La RACC contribue à la coopération entre la police et la gendarmerie au Sahel dans le domaine de la police technique et scientifique

16.08.2022

« Rappelez-vous : rien ne doit être oublié sur une scène de crime. Dès que vous avez terminé votre travail, vous vérifiez une nouvelle fois que vous avez repris tout ce avec quoi vous êtes venus » explique Sergio Sanvicente, lors du debriefing de la deuxième journée de la formation « Gestion de scène de crime » au profit de policiers et de gendarmes mauritaniens. Fatimata, une des deux aides-moniteurs, acquiesce et ajoute : « Vous ne laissez même pas derrière vous vos gants et masques usagés, vous les reprenez. »

La formation, organisée par la Cellule de conseil et de coordination de l’UE au Sahel (RACC), en coopération avec la mission EUCAP SAHEL MALI, la police et la gendarmerie mauritaniennes, s’est déroulée dans la capitale mauritanienne, Nouakchott, du 1er au 12 août. Des séances pratiques et théoriques se sont alternées, permettant de comprendre « la méthodologie de l’enquête technique », « la photographie judiciaire », « recherche et matérialisation des traces », « qu’est ce qui peut être utilisé lors d’une enquête », et « comment collecter des preuves ».

« Les traces doivent être collectées de manière systématique, scientifique et légale », explique Sergio à ses collègues mauritaniens. A chaque cours, les aides-moniteurs mauritaniens partagent leur expérience acquise dans la région et à l’étranger.

Fatimata, âgée de 40 ans et résidant à Nouakchott , est brigadière de police et technicienne de scène de crime. Seule femme à participer à la formation, elle a également été formée aux Etats-Unis par le FBI, par INTERPOL en France, et en Côte d’Ivoire où elle s’est rendue à six reprises. Elle a ainsi développé des compétences dans le domaine du risque NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique).

Il en est de même pour Zacharia Ali Ounn, 57 ans, et gendarme mauritanien, qui dispose d’une longue expérience de formateur de gestion de scène de crime, et d’autres matières comme la lutte contre les trafics de produits stupéfiants.

L’atmosphère est collégiale. La formation à la fois pratique et théorique favorise les échanges et les débats. Le formateur européen et les aides-moniteurs mauritaniens partagent ainsi leur expérience avec leurs collègues.

Les cinq gendarmes et les six policiers qui assistent à la formation interrogent Sergio, Fatimata et Zacharia sur l’ampleur des moyens à mettre en œuvre sur une scène de crime. La réponse est collective : « Ce n’est pas à nous de donner le résultat. Nous transférons tout ce que nous avons découvert à d’autres collègues de la police scientifique, qui réaliseront les analyses ».

Fatimata et Zacharia ont tous deux déjà bénéficié de formations organisées par la RACC, et soulignent l’importance de de développer des formations communes à la police et à la gendarmerie. Ils déclarent ainsi que « cela fait beaucoup de sens que les gendarmes et les policiers de différentes régions du pays travaillent ensemble dans les mêmes conditions ». Pour Zacharia, intégrer des gendarmes de différentes régions du pays, comme cela est fait pour cette formation, est essentiel. « Si la police traite principalement des scènes de crime commis à Nouakchott, il peut arriver qu’il y ait des complicités ailleurs, et vice-versa », détaille Zacharia, afin de souligner l’importance d’une approche commune entre les deux forces de sécurité intérieure. Et il ajoute. « Par ailleurs, les échanges avec les pays européens sont vitaux pour renforcer nos capacités »

Fatimata valide les propos de Zacharia. Elle y ajoute l’importance d’impliquer davantage les femmes dans le secteur de la sécurité. A ce titre, Fatimata explique que deux ingénieures ont été recrutées par la police scientifique, « mais il en faut plus ». Fatimata, qui est passionnée par son travail, étudie en parallèle afin d’obtenir un diplôme d’ingénieur. Elle souhaite encore améliorer ses connaissances et ses capacités, et être ainsi un modèle pour ses collègues mauritaniennes et sahéliennes affectées dans les forces de sécurité intérieure. Au cours de la formation, elle n’a eu aucune difficulté à se faire accepter comme aide-moniteur par ses collègues masculins, même plus gradés. Chacun a reconnu son professionnalisme et son expérience, et l’a écouté avec attention.

« En tant que femme, je suis confrontée à des défis dans mon travail, mais je bénéficie de l’appui de mes collègues masculins », explique Fatimata. « Pour une musulmane, toucher un homme en faisant son travail, ou l’inverse, peut être source de difficultés. C’est une des raisons pour lesquelles il est important que les femmes soient suffisamment nombreuses dans nos forces. Cela est essentiel pour prendre en considération toutes les femmes dans le cadre de notre travail, et pour nous permettre d’être plus efficaces ».

Tout en détaillant davantage l’importance d’inclure plus de femmes au sein des forces de sécurité intérieures sahéliennes (ce qui constitue une des problématiques transverses traitée par la RACC avec chacun des partenaires sahéliens), Fatimata explique : « Les femmes au Sahel sont rarement placées dans des situations leur permettant de prévenir, gérer et résoudre les conflits. Pourtant il est essentiel de les inclure dans les sphères décisionnelles, car elles sont non seulement les principales victimes de l’insécurité, mais aussi de ferventes défenseures des droits humains et de farouches négociatrices pour la paix. C’est également important car ici beaucoup de conflits sont liés à l’extrémisme violent et à des idéologies qui asservissent les femmes et les filles. Grace à leur résilience sans faille, les femmes survivantes des conflits peuvent être employée par les domaines de la sécurité et de la défense, afin de résoudre les conflits, et même de les prévenir ».

Une cérémonie de clôture de la formation s’est déroulée le 12 août au sein de l’académie de police de Nouakchott dans une ambiance conviviale. Le formateur de la mission EUCAP SAHEL MALI et les experts de la RACC ont remis les attestations à leurs homologues policiers et gendarmes mauritaniens. Du matériel de police technique et scientifique financé par la mission EUCAP Sahel Mali a été remis aux représentants de la police et de la gendarmerie. Sergio Sanvicente conclut par ses mots : « Le professionnalisme des experts policiers et gendarmes mauritaniens, de la police technique et scientifique, est une garantie de réussite pour le futur ». Il quitte la Mauritanie avec un Daraa dans ses bagages. Ce vêtement traditionnel mauritanien, destiné à protégé aussi bien du soleil que des vents de sable, est un cadeau de remerciement de ses stagiaires engagés et attentifs.