THIS CONTENT HAS BEEN ARCHIVED

La politique énergétique est au cœur de la politique étrangère de l’UE

15.06.2022

Blog du HR/VP – Nous sommes confrontés à une crise géopolitique majeure avec la guerre contre l’Ukraine et, dans le même temps, à une menace majeure pour l’environnement et la sécurité avec le changement climatique. REPowerEU est la réponse intégrée à ce double défi. La Commission et moi-même avons présenté cette semaine des propositions spécifiques concrètes dans de nombreux domaines, dont une diplomatie énergétique de l’UE plus ambitieuse et plus ciblée.

«Nous devons transformer notre faiblesse actuelle, la dépendance à l’égard des importations de combustibles fossiles en provenance de Russie, en une force. En accélérant notre transition écologique et en aidant les pays émergents et en développement à nous rejoindre sur cette voie.» #REPowerEU

 

La politique énergétique a toujours été une question géopolitique, et c’est devenu encore plus clair avec la guerre contre l’Ukraine. Depuis des années, nous avons débattu de la nécessité de réduire notre dépendance à l’égard des importations d’énergie en provenance de Russie, un pays qui utilise l’énergie comme arme politique. Nous savons maintenant que nous ne pouvons plus nous permettre de tergiverser: nous finançons la capacité du Kremlin à mener la guerre contre l’Ukraine. Cela ne sera pas facile à faire et nous aurons besoin d’agir en interne sur de nombreux fronts, comme expliqué dans le plan REPowerEU.

 

«Nous devons veiller à ce que notre objectif à court terme, à savoir priver Poutine des ressources et des leviers que lui confèrent les combustibles fossiles, soit cohérent avec notre objectif à moyen terme de devenir neutre en carbone d’ici à 2050.»

Cela a également de nombreuses conséquences pour la politique étrangère de l’UE et nos partenariats avec de nombreuses régions du monde. Nous devons veiller à ce que notre objectif à court terme, à savoir priver Poutine des ressources et des leviers que lui confèrent les combustibles fossiles, soit cohérent avec nos objectifs à moyen terme consistant à devenir neutre en carbone d’ici à 2050. C’est la voie étroite que nous avons essayé de baliser dans le cadre de la stratégie énergétique extérieure de l’UE, adoptée mercredi dernier.

La Russie est aujourd’hui le premier fournisseur de gaz d’Europe, avec plus de 40 % de notre consommation. Nous voulons mettre un terme à cette dépendance d’ici à 2027. La majeure partie du gaz et du pétrole que nous importons de Russie sera remplacée par des énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et des économies d’énergie. Toutefois, pour disposer du gaz dont elle a encore besoin, l’UE doit augmenter ses importations en provenance de sources non russes.

Ce faisant, nous devons tenir compte du fait que le paysage énergétique mondial va évoluer rapidement, à mesure que le monde s’engagera dans la transition écologique. Au XXe siècle, l’énergie est devenue de plus en plus une source de pouvoir pour les États et son absence une vulnérabilité stratégique. Les pays producteurs de pétrole et de gaz ont exercé ce pouvoir dans le système international. Les pays qui ne disposent pas de ressources en combustibles fossiles ou dans lesquels la demande de pétrole a dépassé la production intérieure ont adapté leur politique étrangère pour garantir l’accès à ces ressources. Aujourd’hui, l’abandon progressif du pétrole et du gaz pourrait redessiner la carte du monde de manière aussi spectaculaire qu’il y a un siècle.

 

«Le paysage énergétique mondial va évoluer rapidement, à mesure que le monde s’engagera dans la transition écologique. L’abandon progressif du pétrole et du gaz pourrait redessiner la carte du monde de manière aussi spectaculaire qu’il y a un siècle.»

Tandis que le commerce des combustibles fossiles diminuera, de nouvelles matières premières, telles que l’hydrogène, deviendront plus importantes et feront l’objet d’échanges commerciaux internationaux. Cela modifiera les équilibres mondiaux, car la capacité de production d’hydrogène renouvelable est beaucoup mieux répartie que celle du pétrole et du gaz. Le plan REPowerEU prévoit 20 millions de tonnes supplémentaires d’hydrogène renouvelable d’ici à 2030 pour remplacer le gaz russe, dont 10 millions de tonnes d’hydrogène importé. Pour remplacer les importations de gaz en provenance de Russie, l’UE doit privilégier des stratégies englobant à la fois le gaz et l’hydrogène vert, afin de réduire au minimum le risque dit des «actifs délaissés». Cela est plus facile à dire qu’à faire, mais il s’agit de la voie à suivre.

 

Energy

Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA): potentiel technique de production d’hydrogène vert à moins de 1,5 USD/kg d’ici à 2050, en EJ

 

Nous travaillons actuellement à la mise en place d’un partenariat méditerranéen pour l’hydrogène vert, qui devrait constituer la première étape d’une coopération plus large en matière d’hydrogène renouvelable entre l’Europe, l’Afrique et le Golfe, un autre espace de ressources abondantes pour la production d’hydrogène. Cette question fait partie de la stratégie du Golfe que nous avons adoptée parallèlement au plan REPowerEU, le passage à la production d’hydrogène vert étant un élément essentiel de la transition que les pays producteurs de pétrole et de gaz vont connaître au cours de la prochaine décennie. L’Afrique du Sud et la Namibie développent également leur secteur de l’hydrogène renouvelable et ont suscité l’intérêt de l’industrie de l’UE.

 

«La coopération en matière d’approvisionnement en hydrogène vert nécessite de promouvoir la consommation locale d’électricité et d’hydrogène renouvelables et le développement d’industries vertes dans les pays partenaires.»

 

La coopération dans ce domaine nécessite de promouvoir la consommation locale d’électricité et d’hydrogène renouvelables et le développement d’industries vertes dans les pays partenaires. Le cadre réglementaire de l’UE pour l’hydrogène est le plus avancé au monde. Cela devrait nous permettre de jouer un rôle moteur dans la mise en place d’un marché mondial de l’hydrogène fondé sur des règles et de lui donner un coup d’accélérateur — l’UE envisage de lancer un instrument européen et mondial pour l’hydrogène.

 

La nécessité d’un équilibre entre long terme et court terme

Nous devons toutefois trouver un équilibre entre le long terme et le court terme: pour se débarrasser du gaz russe, nous devons importer davantage de gaz provenant d’autres sources à court terme. Nous devons trouver de nouveaux fournisseurs de manière coordonnée: il serait logique d’essayer de reproduire l’ambition du programme d’achat commun de vaccins, en élaborant un «mécanisme d’achat conjoint» permettant de négocier et conclure des achats de gaz pour le compte des États membres participants. Nous n’en sommes pas encore là, mais en attendant nous avons déjà lancé la plateforme d’achat d’énergie de l’UE, ouverte également à l’Ukraine, à la Moldavie, à la Géorgie et aux Balkans occidentaux, afin de coordonner nos efforts et de faciliter les achats conjoints de gaz et d’hydrogène.

 

La diversification des approvisionnements est en cours

En ce qui concerne la diversification des approvisionnements, la Commission européenne et les États-Unis se sont déjà mis d’accord sur des livraisons supplémentaires de gaz naturel liquéfié (GNL) dans le cadre des exportations américaines, mais aussi avec la participation d’autres partenaires. Nous travaillons également avec le Canada sur d’éventuelles livraisons de GNL et d’hydrogène. Avant cet été, l’UE entend conclure un accord trilatéral avec l’Égypte et Israël sur l’approvisionnement en GNL de l’Europe. Le Japon et la Corée ont déjà réacheminé un certain nombre de cargaisons de GNL vers l’Europe, tandis que le Qatar est prêt à faciliter les échanges avec les pays asiatiques.

En ce qui concerne le gaz acheminé par gazoduc, la Norvège a déjà augmenté ses livraisons vers l’Europe, et tant l’Algérie que l’Azerbaïdjan ont exprimé leur volonté de le faire également. Le renforcement de la capacité du gazoduc transadriatique (TAP) augmenterait également l’approvisionnement en gaz de l’UE et des Balkans occidentaux. Les pays d’Afrique subsaharienne, et en particulier ceux d’Afrique occidentale, tels que le Nigeria (qui fournissait déjà 15 % des importations de l’UE en 2021), le Sénégal et l’Angola, offrent également un potentiel de GNL inexploité.

 

«Cet approvisionnement supplémentaire en gaz devrait aller de pair avec la lutte contre les fuites de méthane. La technologie actuelle pourrait permettre de supprimer 70 % des émissions de méthane provenant des secteurs du pétrole, du gaz et du charbon.»

Cet approvisionnement supplémentaire en gaz devrait aller de pair avec la lutte contre les fuites de méthane. Au moins 46 milliards de m³ de gaz naturel sont perdus chaque année lors de l’éventage et du torchage dans les pays susceptibles d’approvisionner l’UE. La technologie actuelle pourrait permettre de supprimer jusqu’à 70 % des émissions de méthane provenant des secteurs du pétrole, du gaz et du charbon, et près de la moitié sans coût supplémentaire. Pour y parvenir, l’UE se tient prête à mettre en place des systèmes mutuellement avantageux selon l’approche «vous collectez/nous achetons».

 

Energy 3

 

 

Il y a deux semaines, la Commission et moi-même, en ma qualité de haut représentant, avons proposé un sixième paquet de sanctions, y compris un embargo progressif sur le pétrole russe, afin d’arrêter de financer la machine de guerre du Kremlin. Les négociations sont toujours en cours pour obtenir l’unanimité nécessaire, et j’espère que nous pourrons parvenir à un accord sur ce paquet dans les meilleurs délais.

La Russie est actuellement le premier exportateur mondial de pétrole, et son invasion brutale de l’Ukraine a entraîné d’importantes hausses de prix sur le marché mondial du pétrole. Avec nos partenaires internationaux, nous avons demandé aux pays producteurs de pétrole d’augmenter leurs livraisons en utilisant les capacités inutilisées disponibles. Les membres de l’Agence internationale de l’énergie sont également convenus de libérer 120 millions de barils de leurs réserves stratégiques, une initiative sans précédent dans l’histoire de l’AIE. Dans ce contexte, la mise en œuvre intégrale et effective de l’accord sur le nucléaire iranien (le plan d’action global commun) pourrait faciliter l’arrivée sur le marché du pétrole iranien. La communication susmentionnée sur le partenariat stratégique avec le Golfe contient des propositions sur la manière de renforcer nos relations et notre coopération avec cette région riche en énergie.

 

Aider l’Ukraine, la Moldavie et les Balkans occidentaux

Nous aidons également l’Ukraine dans le domaine de l’énergie. La synchronisation d’urgence du réseau électrique avec l’Ukraine et la Moldavie, en mars dernier, a constitué une étape majeure permettant de garantir la sécurité énergétique. Les flux inversés permettent déjà d’acheminer du gaz de l’UE vers l’Ukraine. La sûreté nucléaire reste une priorité majeure étant donné le comportement inconsidéré de la Russie sur les sites nucléaires ukrainiens. En ce qui concerne les pays des Balkans occidentaux, nous allons proposer de les intégrer pleinement au marché de l’électricité de l’UE afin d’accélérer la suppression progressive du charbon dans l’ensemble de l’Europe du Sud-Est.

 

«Nous disposons des outils et de l’expérience nécessaires pour aider les centaines de millions de personnes qui en ont besoin à accéder pour la première fois à l’énergie grâce à des technologies pérennes à faible intensité de carbone.»

 

Nous intensifions également notre engagement en faveur de la transition écologique dans le monde entier. Nous disposons des outils et de l’expérience nécessaires pour aider les centaines de millions de personnes qui en ont besoin à accéder pour la première fois à l’énergie grâce à des technologies pérennes à faible intensité de carbone. L’année dernière, nous avons lancé l’initiative «Global Gateway» pour stimuler des liens intelligents, propres et sûrs dans les domaines du numérique, de l’énergie et des transports dans le monde entier. Cette initiative sera mise en œuvre conjointement par l’UE, ses États membres et leurs institutions financières et de développement, en vue de mobiliser jusqu’à 300 milliards d’euros d’investissements au cours de la période 2021-2027. 30 % de l’enveloppe de l’UE consacrée à l’aide au développement sont également destinés à la lutte contre le changement climatique, et l’UE est le principal contributeur au Fonds vert pour le climat doté de 100 milliards de dollars dans le prolongement de la COP 26.

 

L’exemple du partenariat avec l’Afrique du Sud

Pour donner un exemple concret, l’UE, conjointement avec ses partenaires internationaux, met en œuvre avec l’Afrique du Sud un partenariat pour une transition énergétique juste, de 8,5 milliards de dollars, axé sur l’abandon progressif du charbon. Nous étudions la possibilité de tels partenariats avec le Viêt Nam, l’Indonésie et l’Inde. Malgré des différends importantes dans d’autres domaines, nous coopérons également avec la Chine dans le secteur de l’énergie, depuis que le pays a décidé de devenir neutre en carbone d’ici à 2060, dans le cadre de la plateforme de coopération énergétique UE-Chine (ECECP) et du dialogue annuel à haut niveau UE-Chine sur l’énergie.

L’objectif de l’UE consistant à soutenir la transition mondiale nécessite également de réformer et de renforcer le paysage fragmenté de la gouvernance énergétique mondiale. Nous avons besoin d’institutions multilatérales qui fonctionnent bien et peuvent contribuer au partage des connaissances techniques et à la définition de règles et de normes mondiales convenues conformément aux objectifs mondiaux en matière de climat.

L’énergie a toujours été une question géopolitique centrale, mais avec la guerre contre l’Ukraine et la lutte contre le changement climatique, c’est plus que jamais le cas aujourd’hui. Nous devons transformer notre faiblesse actuelle — notre dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles importés, en particulier de Russie — en une force, en accélérant notre propre transition écologique, en jouant un rôle moteur dans la transition mondiale et en aidant les pays émergents et en développement à gérer ce changement. 

HR/VP box
Josep Borrell former HR/VP

"Une fenêtre sur le monde" - Blog du HR/VP Josep Borrell

Blog de Josep Borrell sur ses activités et la politique étrangère européenne. Vous pouvez également y trouver des interviews, des articles d'opinion, une sélection de discours et de vidéos.