L’espace et la défense: protéger l’Europe et renforcer notre capacité à agir

20/02/2022 – Blog du HR/VP – Le contexte géopolitique actuel démontre l’importance de renforcer la politique de défense de l’UE. D’une manière plus générale, ce que nous entendons traditionnellement par «défense» évolue pour englober de plus en plus d’autres domaines, notamment le cyberespace et l’espace extra-atmosphérique. La semaine dernière, la Commission a adopté deux «paquets» importants sur les politiques dans les domaines de la défense et de l’espace. Ces paquets contribuent aux travaux en cours sur la boussole stratégique.

«Ce que nous entendons traditionnellement par «défense» évolue et englobe de plus en plus d’autres domaines, notamment le cyberespace et l’espace extra-atmosphérique.»

 

L’espace est devenu un domaine stratégique et un facteur essentiel pour la plupart de nos activités quotidiennes, qu’il s’agisse d’internet, des télécommunications ou encore de la circulation des personnes, des navires, des avions ou des véhicules. En outre, l’espace joue un rôle central dans la sécurité et la défense; par exemple, les États-Unis ont créé en 2019 une «armée de l’espace» (US Space Force). Nous devons donc garantir notre capacité à exploiter en toute sécurité et en permanence les infrastructures essentielles à nos sociétés, y compris face aux menaces dans l’espace. En novembre dernier, la Russie a délibérément détruit un de ses satellites, un acte irresponsable qui a généré des débris dangereux.

«Nous devons garantir notre capacité à exploiter en toute sécurité et en permanence les infrastructures essentielles à nos sociétés, y compris face aux menaces dans l’espace.»

Sur un plan plus personnel toutefois, l’espace est également un domaine d’intérêt important à mes yeux. Je suis ingénieur en aéronautique de formation. L’un de mes premiers postes ministériels en Espagne, en tant que ministre des télécommunications, m’a permis de contribuer au lancement du premier satellite Hispasat en 1992. Depuis lors, je n’ai jamais cessé de suivre de près ce secteur, qui est devenu essentiel pour nos sociétés.

 

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L’Europe est une puissance spatiale majeure: son secteur spatial a enregistré en 2019 un chiffre d’affaires de 74 milliards d’euros, ce qui représente entre 15 et 20 % du marché mondial, et 48 000 emplois directs. L’UE est de plus en plus active dans ce secteur, avec ses réussites les plus connues: Galileo pour le positionnement, la navigation et la datation et Copernicus (lien externe), le plus grand système d’observation de la terre. Sous la houlette de mon collègue commissaire, M. Breton, le programme spatial s’est vu allouer une somme de 13,2 milliards d’euros dans le nouveau cadre financier pluriannuel, soit le budget spatial le plus élevé jamais alloué à l’échelle européenne. Toutefois, nous devons redoubler d’efforts à l’avenir pour garder la cadence, rester une puissance spatiale majeure et renforcer notre autonomie stratégique dans ce domaine.

L’espace de plus en plus congestionné

Nous sommes également confrontés à un problème croissant: l’espace est de plus en plus congestionné en raison de la prolifération importante de satellites et de débris spatiaux. Pour donner quelques chiffres: depuis le début de l’ère spatiale, dans les années 1960, l’humanité a mis en orbite 11 800 satellites, dont 4 550 sont actuellement opérationnels. Plus de 20 000 nouveaux satellites devraient être lancés au cours des dix prochaines années, et ce n’est qu’une estimation prudente. Par ailleurs, il existe plus de 128 millions de débris de moins d’un centimètre en orbite autour de la Terre et près d’un million de débris d’un à dix centimètres. La majorité des débris se trouve à des altitudes inférieures à 2 000 km, ce qui reflète l’activité spatiale qui se déroule principalement en orbite terrestre basse (satellites d’observation de la terre, constellations de satellites de télécommunications, la plupart des satellites militaires, etc.). Ces débris spatiaux ont une vitesse moyenne de 7-8 km/s, soit 25-29 000 km/h. À de telles vitesses, même si le débris est petit, l’impact en cas de collision peut être très destructeur étant donné que l’énergie cinétique est le produit de la masse du débris par le carré de sa vitesse: un débris d’un centimètre a approximativement la même énergie cinétique qu’une voiture roulant à 130 kilomètres/heure…

«Les débris sont une menace pour nos services spatiaux. Ils risquent d’avoir une incidence sur notre vie quotidienne, nos économies et nos sociétés, ainsi que notre sécurité et notre défense.»

Les débris sont une menace pour notre infrastructure spatiale et nos services spatiaux. Ils risquent d’avoir une incidence sur notre vie quotidienne, nos économies et nos sociétés, ainsi que notre sécurité et notre défense. En effet, l’espace est également un catalyseur stratégique pour les capacités de défense. Il est donc réellement nécessaire que l’UE contribue aux efforts déployés pour répondre à ce défi mondial. C’est ce que nous avons proposé de faire avec notre communication conjointe sur la gestion du trafic spatial (GTS).

 

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Nous entendons renforcer les capacités de l’UE à détecter et à inventorier davantage d’objets spatiaux et à éviter des collisions. Nous proposons de promouvoir l’élaboration de normes et de lignes directrices sous la houlette de l’UE, d’encourager une utilisation sûre par les opérateurs et de travailler sur la mise en place d’une éventuelle proposition législative concernant des règles en matière de gestion du trafic spatial. Ce qui est particulièrement important, selon moi, c’est la dimension internationale: l’espace est un bien commun mondial que la communauté internationale doit protéger et gérer. Nous souhaitons donc parvenir à un cadre multilatéral pour la gestion du trafic spatial au niveau des Nations unies et nous aborderons cette question avec les États-Unis et d’autres partenaires clés. La gestion du trafic spatial est un effort civil, mais elle s’appliquera également aux satellites militaires. L’Agence européenne de défense permettra de grouper les besoins militaires dans ce domaine.

Une nouvelle infrastructure spatiale stratégique de l’UE

Dans le cadre du paquet «Espace» présenté cette semaine, la Commission a également proposé de lancer une nouvelle infrastructure spatiale stratégique de l’UE, en plus de Galileo et Copernicus. Il s’agit d’une initiative majeure visant à doter l’UE d’une connectivité spatiale sécurisée à l’échelle européenne. Concrètement, cette initiative proposera deux services: un service gouvernemental de communication hautement sécurisé, qui garantira une communication ultra-sécurisée (chiffrement quantique) avec de multiples utilisateurs tant civils que militaires, et un service de haut débit afin de fournir un accès à internet pour tous et ainsi réduire la fracture numérique. La sécurité dès le stade de la conception, qui est une condition préalable pour une sécurité de haut niveau, et l’usage militaire sont les éléments clés de la proposition.

«Les satellites auront une orbite nord/sud. Ainsi, de par leur conception, ces satellites peuvent offrir à l’Afrique un internet haut débit, partout. Cette infrastructure pourrait être la première grande initiative de la stratégie “Global Gateway”

Les satellites auront une orbite nord/sud, ce qui signifie qu’ils couvriront toute l’Afrique et l’Arctique. Ainsi, de par leur conception, ces satellites peuvent offrir à l’Afrique un internet haut débit, partout. Cette infrastructure pourrait être la première grande initiative de la stratégie «Global Gateway». Dans l’ensemble, le coût de ce programme s’élèverait à quelque 6 milliards d’euros, auquel l’Union contribuerait à hauteur de 2,4 milliards d’euros. Le reste des financements devrait provenir des États membres et d’un système de partenariat public-privé.

La Commission a également présenté cette semaine une communication exposant sa contribution à la défense européenne. Cette communication est le résultat de l’effort de la présidente von der Leyen en faveur du renforcement de la défense européenne et de la collaboration avec mes collègues la vice-présidente exécutive Margrethe Vestager et le commissaire Thierry Breton.

Dans le cadre de cette communication, la Commission propose d’accroître les investissements en faveur de la recherche et des capacités en matière de défense, notamment au moyen du Fonds européen de la défense (FED), afin de faciliter les synergies civilo-militaires et d’encourager l’acquisition conjointe de capacités de défense, notamment au moyen d’une exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de nouvelles solutions de financement. Elle propose également d’approfondir les aspects liés à la sécurité et à la défense de l’espace, conformément à la boussole stratégique. Finalement, la Commission met en évidence sa contribution à la lutte contre les menaces hybrides et au renforcement de l’engagement de l’UE en matière de cybersécurité et de cyberdéfense.

Une nouvelle feuille de route sur les technologies critiques

Cette communication est associée à une nouvelle feuille de route sur les technologies critiques pour la sécurité et la défense, qui vise à stimuler ces technologies au moyen de la recherche, du développement et de l’innovation à l’échelle européenne, en étroite coopération avec les États membres et les partenaires partageant les mêmes valeurs, notamment les États-Unis et l’OTAN. En outre, cette feuille de route vise à réduire les dépendances stratégiques à l’égard des technologies critiques pour la sécurité et la défense. Cette initiative s’inscrit dans le cadre des travaux menés par l’Agence européenne de défense (AED) pour l’innovation dans le domaine de la défense, notamment au moyen du pôle d’innovation dans le domaine de la défense proposé par l’AED. Le programme élaboré dans le cadre de ce paquet «défense» s’appuie sur des axes de travail existants et contribue au renforcement accru de la boussole stratégique, qui est en cours de finalisation.

Avec ces deux paquets et la boussole stratégique, l’Union européenne, à savoir ses institutions et ses États membres, dispose d’une occasion unique de conjuguer ses efforts afin de progresser sur ces questions déterminantes. Le contexte géostratégique dans lequel nous vivons n’exige rien de moins. Comme d’habitude, l’efficacité de ces initiatives se mesurera sur le terrain. Après l’adoption de la boussole stratégique dans un mois, il sera temps pour nous tous de passer de la parole aux actes.

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