Une visite positive en Algérie

HR-VP blog – Au début de la semaine dernière, j’ai effectué ma première visite en Algérie en tant que HRVP. Elle intervenait dans un contexte régional difficile. J’ai pu échanger de manière franche et constructive sur tous les sujets d’intérêt commun avec le Président Tebboune et le Premier ministre Benabderrahmane.

L'Algérie est de longue date un partenaire important pour l’UE dans de nombreux domaines. Elle est en particulier un fournisseur majeur et fiable de gaz naturel de l’UE, représentant entre 10 et 12 % des importations totales européennes au cours des 10 dernières années. C’est bien sûr un sujet crucial pour l’UE dans le contexte géopolitique actuel. Mais c’est très loin d’avoir été la seule raison de ma visite ni même le principal moteur de notre volonté de renforcer nos liens avec l’Algérie.

Sur le plan des relations commerciales, nous avons signé en 2002 un Accord d’Association. Toutefois les mesures protectionnistes introduites par l’Algérie en 2015 ont eu un impact négatif sur nos échanges par la suite. A ce moment-là, en effet, les prix des énergies fossiles avaient chuté et l’Algérie cherchait à limiter ses importations. Les exportations de l’UE vers l’Algérie ont baissé de 45 % depuis et aujourd’hui la balance commerciale est très déséquilibrée. Au cours de la période récente, nous étions cependant engagés dans une dynamique plus positive. Cela s’était traduit notamment par la visite du Président du Conseil Européen Michel en septembre 2022, la première visite à haut niveau depuis 2018.

De nouvelles tensions ont fragilisé la relation UE-Algérie

Mais depuis juin 2022, à la suite d’un changement de position de l’Espagne au sujet du Sahara occidental, de nouvelles tensions ont fragilisé cette dynamique. Les importations provenant d’Espagne ont été de facto suspendues presque totalement. Cela pèse fortement sur l’ensemble de la relation UE-Algérie. Le blocage actuel n’est dans l’intérêt de personne. J’espère que, suite à nos échanges, nous pourrons trouver ensemble au cours des semaines qui viennent des solutions pragmatiques pour sortir de cette situation.

« Nous souhaitons développer nos relations avec l’Algérie, non seulement comme fournisseur de gaz mais pour préparer ensemble l’avenir, en privilégiant en particulier les énergies renouvelables. »

Pour notre part, nous souhaitons en effet développer nos relations avec l’Algérie sur le terrain économique, non seulement comme fournisseur de gaz mais pour préparer ensemble l’avenir, en privilégiant en particulier les investissements dans le secteur des énergies renouvelables. L’Algérie dispose d’un énorme potentiel dans ce domaine encore peu exploité aujourd’hui. Au-delà, l’expertise technique européenne pourrait aider l’Algérie à diversifier son économie et accroitre ses exportations non énergétiques vers l’UE.

Nous avons discuté également des migrations. Nous allons poursuivre nos échanges au sujet d’une coopération en ce qui concerne la gestion des frontières et les retours volontaires d'Algérie vers l'Afrique subsaharienne. Dans le domaine de la coopération judiciaire et policière, nous allons accélérer les négociations en cours pour un accord avec Eurojust et un « working arrangement » avec Europol, afin notamment d’aider l’Algérie à recouvrer les « biens mal acquis », dans le cadre des actions en cours dans le pays contre la corruption.

Concernant la situation géopolitique mondiale, nous avons bien entendu discuté de l’agression russe contre l’Ukraine et de ses conséquences. Nous avons sans surprise constaté que nous avions des désaccords à ce sujet. J’ai souligné pour ma part combien il ne s’agissait pas seulement d’une affaire interne à l’Europe. Cette guerre se déroule certes sur le territoire européen, mais elle constitue bien un défi majeur pour le monde entier, parce qu’il s’agit d’une attaque contre les fondements même du droit international. Et j’ai invité mes interlocuteurs à se joindre aux efforts engagés à l’échelle internationale pour obtenir le retrait des troupes russes. Ce serait en effet une contribution significative pour aller vers la paix en rétablissant la souveraineté de l’Ukraine, car la voix de l’Algérie pèse lourd dans ce que certains appellent le « Sud Global ».

Relance du dialogue UE-Algérie en matière de sécurité

Nous avons échangé également de façon approfondie au sujet de la situation au Sahel, voisin de l’Algérie. Au Mali, l’Algérie joue en effet un rôle important : elle est garante de l’accord d’Alger de 2015 et chef de file de la médiation internationale qui comprend aussi l’UE et les pays voisins. Mais cet accord est aujourd’hui mis en difficulté par le regain de tension entre Bamako et les mouvements du Nord. J’ai fait part au président algérien, à la fois de notre préoccupation face au développement du terrorisme au Sahel et dans le Golfe de Guinée et de notre inquiétude face à l’implication croissante des miliciens russes de Wagner dans la région. Nous avons convenu de relancer le Dialogue de haut niveau UE-Algérie en matière de sécurité. Les premières réunions se tiendront avant la fin de l’année.

Nous avons évoqué aussi la situation en Tunisie, de plus en plus préoccupante. J’ai demandé à mes interlocuteurs de peser auprès des autorités tunisiennes en faveur d’un accord avec le Fonds Monétaire International qui conditionne également l’aide européenne à ce pays.

J’ai enfin longuement échangé avec le Président Tebboune au sujet de la situation au Moyen Orient qui nous inquiète tous deux beaucoup, avec des violences qui menacent d’engendrer une nouvelle escalade dans les territoires palestiniens occupés. Nous devons redoubler nos efforts pour apaiser les tensions dans l’immédiat mais aussi pour réouvrir un horizon au processus de paix. J’ai présenté à mes interlocuteurs algériens l’initiative que nous avons lancée avec le ministre saoudien des affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan Al Saud, et le Secrétaire Général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, pour explorer les moyens de relancer les efforts de paix et préserver la perspective d’une solution à deux États. 

La question de la liberté d’expression

J’ai également rencontré au cours de ma visite des représentants de la société civile, et parmi eux des journalistes algériens. Après le Hirak, on a assisté ces dernières années à une réduction significative de l’espace du débat public dans le pays. L’Union européenne accorde au respect de la liberté d’expression, de presse et d’association une grande importance, en Algérie comme partout dans le monde. J’ai évoqué avec les autorités algériennes cette situation qui nous préoccupe fortement. L’élection de l’Algérie au Conseil des Droits de l’Homme des Nations unies implique de promouvoir et mettre en œuvre la déclaration des droits humains de 1948 dont nous fêtons cette année le 75ème anniversaire.

J’espère que nos échanges auront contribué à lever les freins qui ont limité notre relation ces derniers mois. Je vais de toute façon continuer à y travailler parce que le rapprochement entre l’Union Européenne et ses voisins de l’autre côté de la Méditerranée constitue un enjeu crucial pour notre avenir commun.

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