«Les environnements fragiles tels que le Sahel constituent un terrain fertile pour la criminalité organisée et le terrorisme. Notre tâche n’est pas simple.»

18.01.2022

En tant que chef de la cellule de conseil et de coordination régionale de l’UE pour le Sahel, le général Daniel Grammatico s’emploie à renforcer les structures de coopération régionale du G5 Sahel, à soutenir la coopération transfrontière et à relever efficacement les défis régionaux tant en matière politique que dans les domaines de la sécurité et du développement.

 

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À mon retour du quartier général de la cellule de conseil et de coordination régionale (CCCR) situé à Nouakchott, à la suite d’une visite sur le terrain au Tchad, j’apprends qu’un nouveau carnage de civils a eu lieu au Sahel.

Cette fois, les terroristes ont frappé au Burkina Faso. Selon les médias, au moins dix civils ont été tués alors qu’ils se rendaient dans un village avec leurs charrettes.

En août, un autre attentat terroriste dans le même pays avait fait 47 morts, trente civils et 14 militaires. Récemment, d’autres attentats tragiques ont été perpétrés au Mali et au Niger.

Avec la Mauritanie, ces pays sont réunis au sein du G5 Sahel, un réseau d’États sahéliens qui ont décidé de s’associer pour relever les défis communs en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Le secrétariat du G5 Sahel est situé à Nouakchott, la capitale mauritanienne. L’UE a établi dans cette ville le quartier général de la cellule de conseil et de coordination régionale de l’UE pour le Sahel (CCCR), qui fournit soutien et conseils au G5.

Les populations du Sahel veulent vivre en sécurité et sous bonne gouvernance. L’approche intégrée de l’UE à l’égard de notre engagement au Sahel vise à contribuer à la réalisation de cet objectif. Un partenariat solide et à long terme entre l’UE et le Sahel revêt une importance mutuelle. Les crises sont interconnectées. Et l’évolution de la situation au Sahel a des répercussions en Europe. La stabilité à long terme de la région renforcera la sécurité européenne et réduira la pression des flux migratoires chez nous.

La CCCR veille à ce que la présence de l’UE dans les pays du G5 Sahel soit la plus efficace possible. En quoi cela fait-il la différence? Grâce à notre présence, à notre mandat et à notre action, nous partageons l’expertise de l’UE en matière de sécurité et de défense avec nos homologues de manière coordonnée, rapide et cohérente. Sur la base de nos conseils, nos homologues au Sahel peuvent agir plus efficacement en tant que force de sécurité et de défense crédible et cohésive. Dans la pratique, nous faisons le lien entre les différents acteurs des États du G5 sur le terrain et l’expertise et l’assistance fournies par les acteurs de l’UE présents dans la région, à savoir les délégations de l’UE dans les pays du G5 Sahel, les deux missions civiles de renforcement des capacités (EUCAP), au Mali et au Niger, et l’opération de formation militaire (EUTM) déployée au Mali.

Nous travaillons avec nos partenaires pour concrétiser la notion de «régionalisation» sur le terrain.

Pour que la CCCR puisse remplir son mandat, nous devons également interagir constamment avec les nombreux acteurs internationaux et nationaux à l’œuvre au Sahel. Notre mission au Sahel nécessite de la vision, du réalisme et, surtout, une compréhension claire de la complexité de la situation.

Le G5 Sahel couvre une zone plus vaste que l’Union européenne, bien qu’elle ne compte qu’un cinquième de sa population. Or la population a doublé au cours des 20 dernières années et l’explosion démographique devrait se poursuivre. La majeure partie de la population des pays du G5 Sahel se situe dans la tranche des moins de 15 ans (47 %), ce qui en fait la plus «jeune» région du monde. La lutte pour accéder aux services publics de base tels que la sécurité, la justice, les soins de santé, l’éducation et l’eau est une réalité quotidienne. Selon la Banque mondiale, le PIB moyen par habitant dans la région est 45 fois inférieur à celui de l’UE. La criminalité organisée et le terrorisme trouvent un terrain fertile dans les environnements fragiles. Notre tâche n’est pas simple.

Grâce à un travail d’équipe efficace au sein de la cellule, avec le déploiement des trois missions PSDC dans la région et en collaboration avec les autres acteurs de l’équipe Europe, la CCCR fait la différence.

Je me souviens que, lors de l’entretien professionnel que j’ai passé il y a quelque temps, on m’a posé la question suivante, en raison de mon parcours militaire en tant que général français: «Comment un militaire devrait-il diriger un groupe civil?». Pour moi, la réponse était simple: les principes d’encadrement sont universels. La gestion des ressources humaines au sein d’une équipe pluridisciplinaire a trait à des personnes et à leur potentiel individuel. En tant que chef de file, vous cherchez à tirer le meilleur parti possible de ces personnes et à mettre à profit leurs points forts. C’est cette philosophie que j’applique dans ma position actuelle. Je suis très fier des réalisations collectives de la CCCR, fruit d’efforts individuels qui, conjugués, sont décuplés, pour une efficacité maximale.

En plus de 40 années d’expérience professionnelle, pour la plupart passées dans des zones de crise et de guerre, la CCCR a constitué pour moi une expérience d’apprentissage exaltante.

Daniel Grammatico est l’ancien chef de la cellule de conseil et de coordination régionale de l’UE pour le Sahel (1er juin 2019 - 31 décembre 2021).[1]

 

Instaurer une coopération régionale solide, pour un Sahel stable et sûr

Du point de vue de la sécurité, les pays du G5 Sahel (Tchad, Mali, Niger, Burkina Faso et Mauritanie) sont confrontés à des menaces telles que le terrorisme, la criminalité transnationale, la résurgence de la rébellion armée et les conflits entre communautés. Ces menaces dépassent largement la capacité de leurs structures de sécurité et de défense à y faire face.

Au vu de la détérioration croissante de la situation en matière de sécurité au Sahel et dans le but de renforcer les structures de coopération régionale du G5 Sahel et de soutenir la coopération transfrontière, le Conseil de l’Union européenne a souligné l’importance de la régionalisation de son action en matière de sécurité et de défense commune (PSDC), concrétisée par la création de la cellule de conseil et de coordination régionale (CCCR) de l’UE en juin 2019.

Dans le cadre de la mobilisation plus large de l’UE dans la région, la CCCR soutient les structures et les pays du G5 Sahel afin de renforcer la coopération régionale et les capacités opérationnelles dans le domaine de la défense et de la sécurité, dans le respect du droit international, des droits de l’homme et de l’approche stratégique de l’UE en faveur des femmes, de la paix et de la sécurité.

 

[1] À partir de février 2022, le général Raymond SAUSIN prendra ses fonctions en tant que chef de la CCCR.