Négociations en vue de l'adhésion de l'UE à la CEDH

L'adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme reste une des priorités essentielles de l'UE et une obligation juridique prévue par le traité sur l'Union européenne. Cette réussite extraordinaire contribuerait à consolider la protection des droits de l'homme en Europe en soumettant toutes les institutions européennes à l'autorité de la Convention.

Palais de l'Europe à Strasbourg, France, siège du Conseil de l'Europe depuis 1977 | © Conseil de l'Europe

En 2013, chaque négociateur des 47 États membres du Conseil de l'Europe ainsi que de l'Union européenne sont parvenus à un accord sur l'adhésion de l'UE à la CEDH. Cependant, dans son avis 2/13 du 18 décembre 2014, la Cour de justice de l'UE a estimé que le projet d'accord de 2013 était incompatible avec les traités de l'UE. Par conséquent, l'accord devrait être modifié sur la base des questions soulevées dans l'avis afin de rendre l'adhésion de l'UE possible.

Les négociations pour l’adhésion de l’UE à la CEDH ont été relancées en septembre 2020 et sont actuellement en cours.

 

Questions et Réponses

Quel est l'objectif de l'Union dans ces négociations ?

L'objectif de l'Union est de rendre juridiquement possible l'adhésion de l'UE à la Convention européenne des droits de l'homme d'une manière à ce qu'elle puisse profiter aux plaignants et renforcer la protection des droits fondamentaux en Europe.

En quoi l'adhésion de l'UE à la Convention va-t-elle changer la vie des citoyens ?

L'adhésion de l'UE à la Convention signifie que l'UE sera soumise au contrôle international de la Cour européenne des droits de l'homme, tout comme ses 27 États membres et les 19 autres membres du Conseil de l'Europe.

À l'heure actuelle, les 46 États membres du Conseil de l'Europe, dont les 27 États membres de l'UE, sont déjà parties à la Convention européenne des droits de l'homme. Toutefois, l'UE elle-même ne l'est pas. Cela signifie que les actions des institutions, agences et autres organes de l'UE ne peuvent actuellement pas être contestées devant la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg. L'adhésion permettra aux particuliers de porter plainte contre l'UE devant la Cour européenne des droits de l'homme.

L'adhésion permettra également à l'UE d'être tenue pour responsable, au même titre que ses États membres, dans les situations où un État membre de l'UE met en œuvre le droit communautaire. Actuellement, lorsqu'un État membre met en œuvre le droit communautaire, la Cour européenne des droits de l'homme ne peut, si elle constate une violation, que condamner cet État membre. Après l'adhésion, l'UE pourra participer aux procédures judiciaires engagées contre un État membre. Si la Cour européenne des droits de l'homme constate alors une violation, l'UE sera condamnée en même temps que son État membre et devra contribuer à remédier à la situation.

Quels autres changements entraînera l'adhésion de l'UE à la convention ?

L'adhésion de l'UE à la Convention apportera également les changements suivants :

  • l'UE pourra nommer un juge à la Cour européenne des droits de l'homme ;
  • une délégation du Parlement européen sera habilitée à participer avec droit de vote à l'élection des juges de la Cour européenne des droits de l'homme par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ;
  • l'UE aura le droit de participer avec un droit de vote à certaines activités du Comité des ministres du Conseil de l'Europe, en particulier lorsque cet organe veille à l'exécution des arrêts ou des règlements amiables ;
  • l'UE sera tenue de contribuer aux coûts totaux du système de la Convention.

En quoi l'adhésion de l'UE à la Convention est-elle si complexe ?

Le principal défi technique consiste à réaliser l'adhésion d'une manière qui respecte, d'une part, les caractéristiques fondamentales de la Convention et, d'autre part, les caractéristiques fondamentales de l'Union européenne.

La Convention a été rédigée en pensant aux États parties. L'Union européenne n'est pas un État, même si elle possède ses propres pouvoirs, ses propres institutions et son propre système juridique à l'échelle de l'UE, avec sa propre cour suprême. Cela signifie que le système de contrôle établi par la Convention nécessite certaines adaptations dans la mesure où il s'appliquera à l'UE.

En outre, l'adhésion de l'UE à la Convention impliquera une situation unique de chevauchement : l'UE ainsi que chaque État membre de l'UE seront parties à la Convention. Dans certains cas, l'UE sera responsable en vertu de la Convention en cas de violation des droits de l'homme, dans d'autres cas, un État membre sera responsable, et dans d'autres encore, l'UE et un ou plusieurs États membres seront responsables ensemble - en fonction des circonstances et de la répartition des pouvoirs entre l'UE et ses États membres. Cela aussi nécessite certaines adaptations sur mesure.

Les négociateurs de chacun des 46 États membres du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne pensaient avoir résolu ces problèmes dans le projet d'accord d'adhésion conclu en 2013. Toutefois, dans son avis 2/13 du 18 décembre 2014, la Cour de justice des Communautés européennes a estimé que cet accord ne tenait pas encore suffisamment compte des spécificités de l'Union européenne.

Quelles sont les modifications à apporter au projet d'accord d'adhésion conformément à l'avis 2/13 de la Cour de justice des Communautés européennes ?

  • Le mécanisme du codéfendeur et la procédure d'implication préalable. L'accord d'adhésion doit garantir que, lors de l'application de ces mécanismes propres à l'UE, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) n'interfère pas avec la répartition des compétences entre l'Union et les États membres et que, plus généralement, elle ne lie pas l'UE et ses institutions à une interprétation particulière des règles du droit communautaire ou de la jurisprudence de la Cour de justice.
  • Le fonctionnement des applications entre parties (art. 33 de la CEDH) et des saisines pour avis consultatif (protocole 16). L'accord d'adhésion doit garantir que la procédure entre partie ne porte pas atteinte à la compétence exclusive de la Cour de justice pour les litiges entre États membres (ou entre un État membre et l'UE) concernant l'interprétation ou l'application du droit de l'Union. L'accord d'adhésion doit éviter que la procédure d'avis consultatif du protocole 16 puisse potentiellement permettre aux juridictions nationales de contourner la procédure de renvoi préjudiciel prévue à l'article 267 du TFUE.
  • La préservation du principe de confiance mutuelle. L'accord d'adhésion doit garantir que les États membres ne seront pas obligés de vérifier qu'un autre État membre a respecté les droits fondamentaux si le droit de l'UE impose une obligation de confiance mutuelle entre ces États membres. Ceci est particulièrement pertinent pour la coopération transfrontalière au sein de l'UE dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice.
  • Compétence à l'égard des actes dans le domaine de la Politique Étrangère et de Sécurité Commune ("PESC"). En vertu des traités, certains actes de l'UE adoptés dans le cadre de la PESC ne relèvent pas du contrôle juridictionnel de la Cour de justice. Toutefois, la compétence pour procéder au contrôle de ces actes dans le contexte des droits fondamentaux ne peut être conférée exclusivement à une juridiction internationale qui se situe en dehors du cadre institutionnel et judiciaire de l'UE. L'accord d'adhésion doit tenir compte de ces caractéristiques spécifiques du droit de l'UE.

En quoi consistent les négociations actuelles ?

L'Union souhaite que les négociations se concentrent sur la manière de répondre aux préoccupations soulevées par la Cour de justice dans son avis 2/13. L'Union propose d'apporter certaines modifications ciblées au projet d'accord d'adhésion de 2013 afin de répondre aux préoccupations de la Cour de justice.

Qui négocie au nom de l'Union européenne et de ses États membres ?

La Commission européenne négocie au nom de l'Union européenne. La Commission consulte régulièrement le Conseil. Le Parlement européen est tenu immédiatement et pleinement informé.

Les États membres de l'UE ont également des délégués au sein du groupe 46+1, car chaque État membre de l'UE est membre du Conseil de l'Europe.

Qui d'autre participe aux négociations ?

Le groupe 46+1 comprend également des délégués des États membres du Conseil de l'Europe non membres de l'UE : Albanie, Andorre, Arménie, Azerbaïdjan, Bosnie-Herzégovine, Géorgie, Islande, Liechtenstein, Moldavie, Monaco, Monténégro, Macédoine du Nord, Norvège, Saint-Marin, Serbie, Suisse, Turquie, Ukraine et Royaume-Uni.

De plus, deux organes participent aux négociations en tant qu'observateurs :

  • le Greffe de la Cour européenne des droits de l'homme ; et
  • la Direction du conseil juridique et du droit international public du Conseil de l'Europe.

La Russie est-elle membre du groupe 46+1?

La Fédération de Russie n'est plus membre du Groupe 46+1. La Russie a initialement participé aux négociations. Cependant, suite à son invasion de l'Ukraine, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a suspendu les droits de représentation de la Russie, y compris au sein du Groupe 46+1. La Russie a ensuite annoncé qu'elle se retirait du Conseil de l'Europe et de la Convention européenne des droits de l'homme. Le 16 mars 2022, le Comité des Ministres a décidé que la Russie cessait d'être membre du Conseil de l'Europe.

Les organisations de la société civile contribuent-elles aux négociations ?

Oui, le groupe 46+1 consulte les organisations de la société civile. Il a procédé à des échanges de vues avec les représentants des organisations suivantes :

  • le Centre de conseil sur les droits individuels en Europe (AIRE) ;
  • Amnesty International ;
  • le Conseil des Barreaux d'Europe (CCBE) ;
  • le Réseau européen des institutions nationales des droits de l'homme (ENNHRI) ; et
  • la Commission internationale de juristes (CIJ).

Quelle est la procédure de ratification et d'entrée en vigueur de l'accord d'adhésion ?

Le groupe 46+1 doit d'abord terminer les négociations. Le résultat sera ensuite transmis au Comité des ministres du Conseil de l'Europe. Une fois que le texte aura été adopté par le Comité des ministres, il sera ouvert à la signature.

Un État membre de l'UE, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission peuvent obtenir l'avis de la Cour de justice sur la compatibilité de l'accord d'adhésion avec les traités de l'UE. Si l'avis est positif, l'Union européenne peut conclure l'accord.

Pour l'Union européenne, la ratification (ou plutôt la "conclusion") de l'accord d'adhésion implique une décision du Conseil qui doit être adoptée à l'unanimité avec l'approbation du Parlement européen.

Les parlements nationaux joueront un rôle décisif : la décision de conclure l'accord d'adhésion au nom de l'Union ne pourra entrer en vigueur que lorsque chaque État membre de l'UE aura ratifié l'accord d'adhésion conformément à ses exigences constitutionnelles nationales.

L'accord d'adhésion entre en vigueur après sa ratification par l'Union européenne et par toutes les parties à la Convention européenne des droits de l'homme.

Les informations relatives aux négociations sont-elles accessibles au public ?

Les rapports de réunion et divers autres documents relatifs aux négociations sont accessibles au public sur le site web du Conseil de l'Europe.

Le Groupe 46+1 tient ses réunions à huis clos et l'accès à certains documents de négociation est restreint pour l'instant, afin de protéger la sérénité des négociations.

Combien de temps les négociations actuelles devraient-elles durer ?

À ce stade, il est difficile de dire combien de temps les négociations vont durer. Le plus important est que les négociateurs continuent d'oeuvrer vers un résultat positif.

Retrouvez l'infographie au lien suivant : https://www.eeas.europa.eu/delegations/council-europe/adh%C3%A9sion-de-lunion-europ%C3%A9enne-%C3%A0-la-convention-europ%C3%A9enne-des-droits-de_en