Le Niger, partenaire essentiel de l’UE au cœur du Sahel

HR/VP Blog - La semaine dernière, je me suis rendu pour la première fois au Niger en tant que HR/VP afin de rencontrer le Président Bazoum et d’autres dirigeants du pays pour renforcer notre coopération. Dans une région, le Sahel, en proie à de multiples crises et tentée par l’autoritarisme, le Niger, qui a fait le choix de la démocratie, est un partenaire essentiel pour l’UE.

J’ai été très heureux de pouvoir enfin honorer ma promesse de venir au Niger. L’UE attache en effet une grande importance à son partenariat avec ce pays et j’ai beaucoup d’admiration pour le leadership qu’exerce le président Bazoum dans une région en perdition. J’ai pu lui dire de vive voix que nous sommes plus que jamais à ses côtés dans le combat qu’il mène contre le terrorisme mais aussi dans son action pour le développement économique et social du pays et de la région.

Il en va de l’avenir du Sahel

Car au-delà des enjeux propres au Niger, il en va en effet de l’avenir du Sahel. Les peuples de la région doivent pouvoir croire en un modèle de gouvernance démocratique, de paix et de développement inclusif. Les actions des autorités nigériennes en faveur du dialogue et de la cohésion sociale illustrent le « sursaut civil et politique » indispensable dans le Sahel. Le Niger est cependant pour l’instant le seul pays de la région où ce sursaut se matérialise. Ses voisins malien et burkinabè semblent au contraire vouloir se détourner de ce chemin. 

« Les actions des autorités nigériennes en faveur du dialogue et de la cohésion sociale illustrent le « sursaut civil et politique » indispensable dans le Sahel. »

Avec 1,3 millions de km2, le Niger s’étend sur plus de deux fois la surface de la France ou trois fois celle de l’Allemagne. Avec ses 25 millions d’habitants, le pays reste certes encore relativement peu peuplé, mais la croissance démographique y est rapide : avec 4% par an elle est une des plus importante au monde. Cela constitue un des défis majeurs auxquels le Niger a à faire face comme ses voisins de la région. Comme les autres pays du Sahel, le Niger souffre aussi plus qu’ailleurs du changement climatique et de la désertification. En 2022, le PIB y était de 533 $ par habitant, soit 70 fois moins qu’en Europe. Même si on tient compte de la différence du coût de la vie cet écart reste encore de 1 à 36 : quand un Européen dispose de € 100, un Nigérien doit se contenter de moins de €3. Le pays n’est aussi que 189 ème sur 191 selon l’Indice de Développement Humain du PNUD. 28% de la population du Sahel a besoin d’une aide humanitaire urgente, dont 4,3 millions de personnes pour le seul Niger.

Enclavé entre le Mali, le Tchad, le Burkina Faso, le Nigeria, l’Algérie et la Libye, le Niger se trouve aussi au cœur des problèmes majeurs qui caractérisent actuellement cette région entre les trafics multiples sur les routes qui traversent le Sahara, et notamment celui des êtres humains, les exactions de nombreux groupes terroristes, le Sahel compte aujourd’hui près de moitié des victimes du terrorisme dans le monde, mais aussi celles des mercenaires de Wagner au service de régimes autoritaires et les méfaits de la propagande russe, très active pour diffuser de fausses informations. De ce fait on dénombre au Niger 700,000 personnes déplacées, dont 255,000 réfugiés des pays voisins en conflit.

Une hausse de 7,5 % du revenu par habitant en 2022

Malgré toutes ces difficultés, le pays a enregistré en 2022 une forte croissance économique avec une hausse de 7,5% du revenu par habitant, contribuant à sortir des centaines de milliers de personnes de la grande pauvreté. C’est le résultat notamment de la politique menée par le Président Bazoum. Il a placé en effet la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption en tête de ses priorités ainsi que l’éducation – et en particulier l’accès des filles à celle-ci, une condition pour pouvoir ralentir la croissance démographique -, et le développement de l’énergie solaire, qui ne fournit aujourd’hui que 1 % de l’électricité d’un pays où moins de 20 % des habitants ont accès à cette forme d’énergie. Malgré ce succès, la situation économique et sociale reste très fragile et l’UE agit pour aider le gouvernement nigérien à consolider et pérenniser ces progrès.

Comme je l’ai indiqué dans mon blog précédent, nous avons inauguré avec le Président Bazoum la plus grande centrale solaire au Niger, qui va permettre d’alimenter en électricité 500 000 personnes dans la région de Niamey. L’UE aide aussi le Niger à améliorer son système éducatif et à recruter et former des enseignants. L’UE a également organisé en février dernier un premier ‘Business Forum’ pour aider au développement du secteur privé.

Sur le plan de la sécurité, deux missions de l’UE soutiennent les forces nigériennes. La mission militaire vise à renforcer les capacités des forces armées du pays en matière de formation, de construction de casernes ou encore d’achats d’équipement. La mission civile travaille avec les forces de sécurité nigériennes depuis plus de 10 ans pour lutter contre le terrorisme et les trafics transfrontaliers. Elle les a aidés à renforcer leur maillage territorial dans les zones les plus menacées et soutenu l’initiative nigérienne visant à mieux coordonner la police, la justice et le renseignement entre les Etats de l’Afrique de l’Ouest. Durant ma visite, j’ai rencontré les personnels de cette mission tant à Niamey qu’à Agadez.

Agadez, ville commerçante entravée par l’insécurité

Ce qui m’a surtout marqué dans cette visite au Niger, c’est mon déplacement à Agadez, la principale ville du Nord du pays. Cette ville, dont le centre historique est classé au patrimoine mondial de l’Unesco, émerge en plein désert. Elle est au carrefour des routes commerciales qui relient l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne. Elle a longtemps prospéré grâce à cette position privilégiée mais aujourd’hui, le blocage des flux commerciaux « normaux » du fait de l’insécurité la plongent dans une grave crise économique et sociale, notamment pour ses jeunes privés de perspectives. Le développement du tourisme ne permet pas d’y pallier car il reste limité dans le contexte actuel.  

J’ai échangé avec le Président du Conseil Régional d’Agadez, Mohamed Anacko au sujet de la lutte qu’il mène contre les trafics de toute sorte et je l’ai assuré du soutien de l’UE pour la sécurité et le développement de cette région. Depuis 2014, l’UE aide en effet Agadez sur de nombreux terrains et j’ai annoncé durant ma visite que nous apporterons €15 millions supplémentaires pour soutenir la gouvernance et le développement socio-économique de la région.

J’ai visité ensuite les maisons construites dans le cadre d’un projet européen mené avec l’Agence Italienne pour la Coopération au Développement. Le centre ancien d’Agadez se dégrade en effet du fait de la surpopulation. Pour le désengorger, on construit des logements sociaux pour les familles les plus vulnérables. Ce projet a permis la création de 40 entreprises et 250 maçons ont été formés à la construction bioclimatique. 360 maisons ont ainsi déjà été construites en utilisant des techniques traditionnelles.

Enfin, le Sultan de l’Aïr, chef traditionnel des tribus touareg de la région et responsable du patrimoine du centre historique d’Agadez m’a fait visiter la magnifique grande mosquée de la ville, qui remonte au 16ème siècle. Construite entièrement en argile avec un minaret impressionnant qui culmine à 27 mètres de hauteur, cet édifice témoigne du savoir-faire ancestral des architectes et des artisans nigériens, adapté aux sévères contraintes de la région. 

« L’UE doit s’engager davantage pour aider le Sahel à sortir de la grave crise sociale et sécuritaire que la région connait aujourd’hui. »

Je reviens du Niger convaincu que l’UE doit s’engager davantage pour aider le Sahel à sortir de la grave crise sociale et sécuritaire que la région connait aujourd’hui. L’action du Président Bazoum montre que le développement doit s’appuyer sur une gouvernance solide et la lutte contre la corruption. L’action sécuritaire – indispensable – doit s’accompagner d’un renforcement de l’Etat de droit et du développement des services publics. Sécurité et développement vont nécessairement de pair : on ne peut pas avoir l’un sans l’autre. Nous sommes et serons prêts à appuyer son action sur ce terrain. Nous continuerons aussi à soutenir les initiatives du Niger pour dégager « des solutions africaines aux problèmes africains » dans la région. Ma visite s’inscrivait dans le cadre de la volonté affichée par l’UE de devenir le partenaire privilégié de l’Afrique. Avec les autorités nigériennes nous progressons sur ce chemin. 

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“A Window on the World” – by HR/VP Josep Borrell

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