Monsieur le Président Zelenskyy,

Monsieur le Président Cassis, merci beaucoup d'accueillir ici cette formidable conférence,

Monsieur le Premier ministre Chmyhal, cher Denys, je me réjouis de vous revoir ici,

Monsieur le Président de la Rada, Monsieur Stefantchouk, je me réjouis également de vous retrouver,

Monsieur le Premier ministre Fiala, qui assumez actuellement la présidence du Conseil de l'Union européenne,

Madame la Première ministre Šimonytė, qui avez accueilli la conférence l'an dernier,

Mesdames et Messieurs les Premiers ministres, ministres et ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs,

Il y a un mois, un jeune héros ukrainien a perdu la vie sur le champ de bataille, alors qu'il combattait pour l'avenir de son pays. Il s'appelait Roman Ratushnyi et il aurait eu 25 ans demain. Roman appartenait à une nouvelle génération de jeunes Ukrainiens. Adolescent, il a été l'un des premiers à manifester, place de l'Indépendance, en faveur de l'Europe et de la démocratie. Et depuis lors, Roman n'a jamais cessé de se battre pour des jours meilleurs en Ukraine. Il s'est battu pour une Ukraine sans corruption, en tant que militant et en tant que journaliste. Il s'est battu pour une Ukraine plus verte, en prenant la tête du mouvement visant à protéger un parc naturel de Kyiv contre des constructions illégales financées par les oligarques. Il s'est battu pour une Ukraine souveraine, et il en a payé le prix ultime. Roman a perdu la vie trop tôt, mais son rêve reste bien vivant. Le rêve d'une nouvelle Ukraine, non seulement libre, démocratique et européenne, mais également verte et prospère. Un endroit où la génération dorée du pays peut enfin se sentir à sa place. C'est ce rêve qui nous réunit ici, aujourd'hui.

Parce qu'avec notre soutien, nos amis ukrainiens peuvent reconstruire leur pays pas simplement tel qu'il était, mais tel que sa jeunesse le veut. Je sais que cela peut sembler trop ambitieux, alors que les bombes russes continuent de s'abattre, détruisant non seulement des écoles et des hôpitaux, mais aussi d'innombrables vies. Mais nous savons tous, désormais, que rien n'est impossible au courageux peuple ukrainien. Vous venez d'entendre cette détermination dans les mots du président Zelenskyy. Et nous entendrons bientôt le Premier ministre Chmyhal nous exposer leur plan en détail. Nous savons l'immense potentiel de changement positif que recèle l'Ukraine. Nous le savons, car nous en avons été témoins à maintes reprises, depuis la Révolution du Maïdan, il y a huit ans. L'Ukraine a accompli des progrès visibles depuis février 2014, date du début de la Révolution de la dignité. Elle a été le seul pays d'Europe de l'Est à adopter une législation visant à limiter le pouvoir des oligarques. Ou prenez la réforme de l'administration et la décentralisation: c'est un succès. Nous constatons que l'administration fonctionne malgré cette guerre atroce. Il en va de même pour la numérisation. Avec le soutien de l'Europe, l'Ukraine a mis en place des services d'administration en ligne à la pointe de la technologie, de même qu'une formidable structure de cybersécurité. La décentralisation et la numérisation ont rendu l'Ukraine plus forte.

Cette expérience du fonctionnement des réformes sera précieuse pour la reconstruction de l'Ukraine. Car le pays devra conduire des réformes courageuses. Mais ces réformes devront aller de pair avec des investissements. Nous le savons tous: les dégâts sont considérables. Et les coûts augmentent chaque jour que dure cette guerre insensée. C'est aussi vrai pour les coûts sociaux. Victimes, vétérans, femmes et enfants de retour d'exil – et c'est une bonne chose – l'Ukraine devra prendre soin de toutes ces personnes. Elle devra rétablir la confiance des entreprises et attirer davantage de capitaux étrangers. Elle devra améliorer le niveau de vie de ses citoyens. Et elle avancera sur la voie de l'Union européenne. Les défis sont énormes, cela ne fait aucun doute, mais ils ne sont pas insurmontables. L'Ukraine peut sortir de cette guerre en empruntant la voie d'un pays plus fort et plus moderne, doté d'un système judiciaire modernisé, d'institutions plus fortes et d'un bilan solide en matière de lutte contre la corruption. Mais également d'un pays à l'économie plus verte, plus numérique et plus résiliente. Voilà le pays dont rêvent tant d'Ukrainiens, à l'instar de Roman Ratushnyi, et pour lequel ils se battent. Voilà la raison de notre présence ici, aujourd'hui. Le président Zelenskyy l'a dit: la tâche qui nous attend est colossale. Vous tous ici présents, comme vous tous ailleurs, avec nous aujourd'hui par écrans interposés, souhaitez apporter votre soutien et votre aide à la reconstruction de l'Ukraine. C'est non seulement dans notre intérêt, mais c'est aussi notre devoir, une obligation morale qui nous incombe.

C'est pourquoi la Commission européenne a proposé au gouvernement ukrainien de mettre en place une plateforme de reconstruction pour cartographier les besoins d'investissement, coordonner les actions, bien diriger les ressources et, naturellement, soutenir un programme de réforme ambitieux. Cette plateforme sera le lieu où nous définirons les orientations stratégiques et les priorités de notre travail commun, afin de nous concentrer sur une reconstruction à l'épreuve du temps, qui vise la neutralité climatique, qui embrasse la décennie numérique, qui s'attache à construire une économie sociale de marché où personne ne soit laissé pour compte, et qui garantisse la sécurité et la défense du pays – le tout ancré dans une bonne gouvernance.

L'Ukraine sera aux commandes. Parce que notre action sera guidée par les aspirations et les désirs du peuple ukrainien, c'est essentiel. La plateforme fédérera des pays, des institutions, et des acteurs du secteur privé et de la société civile; nos partenaires du monde entier, de la Suisse aux États-Unis; des organisations européennes et internationales – de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (qui travaille déjà en Ukraine, et je lui en suis profondément reconnaissante) à la Banque européenne d'investissement, et du FMI à la Banque mondiale. Et bien sûr, y seront associées des entreprises et des associations d'entreprises, fortes de leur incroyable savoir-faire, un savoir-faire, une expertise dont nous avons besoin. Tout récemment à Davos, le Premier ministre Chmyhal et moi avons pu constater le vif intérêt des entreprises et des entrepreneurs pour la reconstruction de l'Ukraine. La plateforme sera ouverte à tous, tous ceux qui se soucient de l'avenir de l'Ukraine.

Mesdames et Messieurs,

L'Europe porte une responsabilité particulière et a un intérêt stratégique dans l'accompagnement de l'Ukraine à chaque étape de son cheminement. L'Ukraine veut faire partie de notre Union européenne. Et nous voulons que l'Ukraine devienne membre de notre Union européenne. L'Ukraine souhaite ardemment travailler avec nous en ce sens, et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir ces efforts. Car c'est un seul et même chemin, celui qui mène à une Ukraine plus forte et à l'intégration européenne. Par l'intermédiaire de la plateforme de reconstruction, la Commission européenne peut offrir sa vaste expertise dans la gestion de programmes combinant réformes et investissements. Cela fait en outre très longtemps que nous travaillons en très étroite collaboration avec l'Ukraine. Et ce travail ne fera que s'intensifier maintenant que l'Ukraine est officiellement devenue pays candidat à l'adhésion à notre Union européenne. Ces applaudissements, Messieurs Chmyhal et Stefantchouk, sont pour vous: c'était votre tâche et c'est le fruit de votre travail qui a rendu cet accomplissement possible. Je vous adresse donc, à mon tour, tous mes remerciements. Mais bien sûr, outre notre propre expertise, nous aimerions également enrichir la plateforme d'une expertise et d'avis extérieurs. C'est pourquoi chancelier, Olaf Scholz, et moi-même organiserons – en très étroite coopération avec nos partenaires internationaux – une conférence internationale de haut niveau après l'été. Nous souhaitons rassembler les esprits les plus brillants et des experts de renommée mondiale en matière de reconstruction, ce que nous n'avons jamais fait à une telle échelle auparavant, afin que ce projet de toute une génération soit mené correctement. Une immense opportunité nous est offerte, nous devons la saisir. Et si notre plan est bon, s'il est solide, s'il est complet, il inspirera la confiance nécessaire à l'ensemble des investisseurs. Il leur adressera un message clair: non seulement votre argent sert une juste cause – et il sert une juste cause –, mais il sera, d'abord et avant tout, dépensé de manière efficace et efficiente, avec un bénéfice maximal pour le peuple ukrainien.

Le Kremlin vise la destruction militaire, politique et économique de l'Ukraine. Il cible l'existence même de l'Ukraine en tant qu'État. Nous ne pouvons pas laisser faire, et nous ne le permettrons jamais. Depuis le début de la guerre, nous nous sommes tous mobilisés. L'Union européenne a ainsi mobilisé quelque 6,2 milliards d'euros de soutien financier. Et comme vous le savez, il y a plus à venir, et plus viendra. Nous sommes pleinement conscients que, pour soulager immédiatement l'Ukraine, il faut lui faire parvenir des fonds, il faut lui apporter un soutien budgétaire, dès maintenant. Nous allons nous engager fortement. Mais nous tous ici présents devons aussi nous engager fortement dans la reconstruction à moyen et à long terme. Et ici à Lugano, les principes de Lugano posent un premier jalon important qui nous guidera dans cette voie. Monsieur le Président Cassis, une fois de plus, je vous remercie vivement d'avoir rendu cela possible. Les fondations sur lesquelles nous pourrons nous appuyer pour reconstruire l'Ukraine sont désormais posées. Je tiens à vous rendre hommage et à vous remercier d'avoir organisé cette conférence.

Mesdames et Messieurs,

Nous ne pourrons jamais nous hisser à la hauteur des sacrifices que consentent chaque jour les Ukrainiens. Les jeunes Ukrainiens donnent leur vie pour que leur rêve devienne réalité. Ils luttent pour une Ukraine libre et indépendante. Ils luttent pour le respect de l'ordre international et des valeurs internationales. Alors nous savons que leur combat est aussi notre combat. Et si nous travaillons en ce moment pour aider l'Ukraine à remporter cette guerre, nous devons également veiller à ce que l'Ukraine gagne la paix qui reviendra, j'en suis sûre.

Slava Ukraini.