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Discours de la Journée de l’Europe – 8 mai 2019

10.05.2019
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Tous les personnels de la Délégation et moi-même sommes honorés et heureux de vous accueillir ce soir pour célébrer ensemble la journée de l’Europe, et avec elle l’amitié entre l’Union Européenne et la RDC.

Cette amitié dure depuis plus de 60 ans. Elle a été cependant chahutée au cours des mois écoulés. Et je ne saurais commencer ce discours sans rendre hommage à notre chef de délégation, l’Ambassadeur Bart OUVRY qui a dû quitter la RDC le 29 décembre dernier, à la veille des élections. Il l’a fait à son image, plein de dignité et sans aucune amertume, car il aime la RDC, sa population et sa culture, sincèrement.

En dépit de cette cicatrice non encore refermée dans les relations entre la RDC et l’UE, nous avons souhaité encore une fois fêter aujourd’hui l’Europe ici à Kinshasa, entourés de nos partenaires et amis congolais et internationaux. Je remercie en particulier nos Etats membres. 

Ce que nous, européens, commémorons aujourd’hui, c’est la Déclaration Schuman, du nom du Ministre français des Affaires Etrangères, qui le 9 mai 1950 posa les bases de la construction européenne. Partage des ressources et solidarité, multilatéralisme, modernisation, égalité, redistribution équitable, respect des principes et du droit ; telles sont les valeurs portées par cette déclaration et qui continuent de constituer l’ADN de notre Union. Elles sont le socle de la démocratie et du progrès social qui vous sont chers.

Le Ministre Schuman était un visionnaire. Dans sa déclaration, un paragraphe doit en particulier attirer notre attention :

(Se référant à la capacité de production qui sera mise en commun)

«  Cette production sera offerte à l’ensemble du Monde, sans distinction ni exclusion, pour contribuer au relèvement du niveau de vie et au progrès des œuvre de paix. L’Europe pourra, avec des moyens accrus, poursuivre la réalisation de l’une de ses tâches essentielles : le développement du continent africain ».

Vous le voyez, dès les prémices de sa construction, l’Union Européenne a fait du développement du continent africain, plus qu’un enjeu, une de ses raisons d’être ».

Bien entendu, près de 70 ans après cette déclaration, la situation a changé ; les rapports entre les deux rives de la méditerranée ont évolué.  Mais j’en suis convaincu, nos destins restent liés. Et je le crois, peut-être davantage ici, en RDC, qu’ailleurs tant les défis communs sont nombreux.

Un de ces défis est incarné par le thème de la soirée : la biodiversité et la forêt congolaise.

Cette forêt qui est un symbole fort du rôle que joue la RDC sur la scène mondiale, de son apport au patrimoine de l’humanité. 

Cette forêt qui synthétise aussi les enjeux contemporains, tant à la fois de protection mais aussi de promotion et d'opportunités de développement, qui sont au cœur de la relation de l'UE à ce magnifique pays.

Dans le cycle actuel, l’UE a contribué à hauteur de 175 millions d’euros, tous financements confondus, à la conservation et la promotion de la biodiversité congolaise. Combinant ces deux aspects nous avons été actifs au côté des éco-gardes dans la lutte contre le braconnage et le déboisement, et soutenu des aires protégées sur près de 130.000 km2. Cet appui important sera pourtant insuffisant sans l’engagement de tous.  Le dernier rapport l’IPBES sur la biodiversité doit nous interpeller. A la recherche de gains financiers rapides doit succéder une approche plus durable et responsable. Je m’inquiète d’entendre encore que des Parcs et zones protégées restent sujets à exploration et exploitation.

Cependant, les ressources naturelles des parcs peuvent être mises à dispositions d’un développement durable. Et nous disposons déjà d’exemples de développement socio-économiques au bénéfice des populations vivant à proximité des aires protégées.

L'expérience la plus aboutie actuellement est celle du Parc National des Virunga. Plus de 45.000 emplois directs et indirects ont été créés au Nord-Kivu, par le développement hydroélectrique, le tourisme et l'appui au secteur agricole. Cela, tout en réussissant à freiner le déclin de la grande faune, à commencer par l'emblématique gorille de montagne, dont la population a refranchi le seuil des mille individus pour la première fois depuis le début de ce millénaire. Nous sommes convaincus que cette approche peut être reproduite comme nous le voyons dans ce Nord-Kivu, autrement lourdement affecté.

Je veux rendre hommage ici aux travailleurs humanitaires, congolais et internationaux, et notamment ceux qui luttent contre l’épidémie Ebola. L’UE contribue à la réponse à travers son soutien au programme Santé et son équipe humanitaire d’ECHO. Nous soutenons notamment la gratuité des soins dans 8 zones de santé affectées par Ebola. Mais au-delà de l’urgence, l’UE est un acteur clé dans le renforcement du système sanitaire et l’appui institutionnel. Grâce à ses actions, 7 millions et demi de personnes bénéficient de soins de santé de qualité à des prix subventionnés dans 38 zones de santé.

En complément, l’UE et sa DG ECHO demeurent un des premiers bailleurs humanitaires. Avec nos partenaires nous fournissons un appui intégré à la sécurité alimentaire et à la protection dans la province du Kasaï où 66.000 bénéficiaires ont été recensés. Dans le Nord Kivu et en Ituri, nous fournissons une réponse médicale d’urgence aux populations vulnérables. Nous avons notamment fourni des soins de santé et de nutrition à près de 395.000 personnes dont 7000 enfants de moins de 5 ans.

Dans ses territoires souvent difficiles d’accès et marqués par l’instabilité, la MONUSCO a été depuis de nombreuses années présente pour assurer la sécurité des personnels déployés. Je veux ici réitérer notre soutien à la Représentant Spéciale du Secrétaire Générale, Madame Leila Zerrougui, et à ses équipes, en particulier aux casques bleus, et exprimer notre attachement sans faille à l’Organisation des Nations Unies. Elle est la garante de la paix et de la sécurité internationale qui, avec l’intégration régionale, sont des moteurs du développement dans un monde globalisé.

Alors que s’amorce le retrait progressif de la MONUSCO, je veux aussi saluer les progrès entrepris par les forces de sécurité, FARDC et PNC, et le professionnalisme dont elles ont fait preuve pendant le processus électoral. Il est important qu’elles soient pleinement associées pour assurer un transfert de responsabilité graduel. Je ne veux pas occulter cependant les nombreux cas de violations des droits humains qui continuent à être répertoriés chaque mois et dont les auteurs appartiennent trop souvent à l’appareil sécuritaire. Je crois en l’engagement sincère de la hiérarchie pour lutter contre ce fléau ; cependant beaucoup doit encore être fait en matière de lutte contre l’impunité. C’est une condition à la restauration de l’autorité de l’Etat.

Dans moins de 3 semaines, les citoyens européens seront appelés à élire leurs représentants. Ces élections se tiennent dans un contexte particulier, à un moment où notre Union est remise en question, alors qu’un Etat membre s’apprête à nous quitter.

L’attachement européen perdure, mais, comme ailleurs, les citoyens questionnent les politiques menées. Nous aurions tort de croire qu’une élection seule peut y mettre un terme.

Il est important pour des institutions de recréer du lien avec ceux dont elles tirent leur légitimité qui, comme la Nation, est un plébiscite de tous les jours : redevabilité, consultation, implication citoyenne, tels sont les outils de restauration de la confiance et avec elle de l’autorité.

A cette fin, nous croyons fortement dans la réconciliation prônée par Son Excellence le Président Felix Tshisekedi dès son discours d’investiture. Cette « véritable procédure d’écoute et de dialogue dans l’ensemble du pays », comme il l’a indiqué, pourra être soutenue. Elle permettra à la société civile et aux forces vives de participer pleinement à la définition d’un projet politique nouveau pour le pays.

Comme j’aime à le dire, avec humour, dans mes rencontres avec la société civile : ETUMBA EZOKOBA. Mais il ne s’agit pas ici d’un combat contre un système, un parti ou des individus. Il ne s’est jamais agi de cela. Bien au contraire, c’est un combat POUR le vivre ensemble, les droits et liberté, le développement durable. Celui-ci doit être perpétuel et universel, et requiert l’adhésion de tous. Je connais l’attachement des congolais à ces valeurs.

Je sais que sur ces aspects aussi, nous nous rejoignons. C’est pourquoi, L’UE continuera d’accompagner la société civile congolaise dans son épanouissement pour qu’elle joue un rôle moteur aux côtés des autorités et des institutions élues. Je veux ici saluer l’engagement et l’action de ces organisations, en particulier les missions d’observations citoyennes, SYMOCEL ou CJP-CENCO. Elles ont accompagné des millions de citoyens tout au long du processus électoral. D’autres continuent de promouvoir l’éducation civique et électorale auprès de 3 millions de congolais, notamment grâce au consortium coordonné par l’INADES. Sur ces questions aussi nous soutiendrons les actions congolaises en faveur de la protection et promotion de l’engagement citoyen.

Cet engagement citoyen doit également être associé à un engagement des politiques pour la promotion de ces valeurs. Le renouvellement des assemblées doit être une opportunité pour l’émergence de nouveaux acteurs engagés, responsables et conscient des défis auxquels la RDC fait face.

Nous serons également au côté des autorités pour faire avancer la justice et lutter contre l’impunité. Dans ce domaine je veux saluer les efforts réalisés par les juridictions civiles et militaires et le travail quotidien des défenseurs des victimes et des cellules d’appui aux poursuites que nous soutenons. L’UE a appuyé la formulation de la nouvelle Politique Nationale de Réforme de la Justice validée en 2017 et de son Plan d’Actions Prioritaires pour la période 2018 -2022. Au nom de tous les partenaires, dont elle est le chef de file dans le secteur de la justice, l’Union européenne formule le souhait que les moyens puissent être mobilisés par le nouveau Gouvernement pour soutenir les chantiers prioritaires de cette politique.

Une attention, particulière sera portée sur la question de l'égalité entre hommes et femmes, l'autonomisation des femmes et l'élimination de toute forme de violence basée sur le genre. L’UE considère l'égalité de genre comme une question transversale essentielle dans le cadre de sa coopération au développement en RDC. La Fondation Panzi, et le prix Nobel de la Paix, le Dr Mukwege, à travers son programme d'appui holistique, est un partenaire de choix pour faire avancer cette cause. Avec le soutien de l’UE, cette assistance a permis à au moins 8000 survivants de violences sexuelles de se réinsérer au sein de leurs communautés.

Elément indispensable du vivre ensemble, l'UE soutient la vie culturelle en RDC depuis 2016. Ce secteur est d’une grande vitalité et est un instrument de cohésion sociale, d’émancipation et constitue même un levier du développement de la RDC. Par le réseau EUNIC des centres culturels européens, l’UE appuie 4 festivals. Le Festival du film européen, la Rumba Parade, le festival du livre et la masterclass de photographie.

Notre approche s’inscrit toujours dans une démarche de valorisation du patrimoine nationale et professionnalisation des talents congolais, en particuliers les jeunes artistes et les femmes.

Mais, il ne peut y avoir de vivre ensemble sans voies  de communication.

L’UE a contribué depuis de nombreuses années, et continuera dans les années à venir, à créer ce lien par un programme d’infrastructures. L’année dernière nous avons inauguré le tronçon de 104 km entre Kikwit et Tshikapa sur la Route Nationale 1 qui démontre notre action pour favoriser le désenclavement et relier les provinces centrales du pays entre elles et à la capitale. Nous œuvrons désormais à relier Kamuesha et Kananga, distantes de 150 km.

Le travail réalisé aussi pour refaire du fleuve Congo un axe de communication, de commerce et d’échange est une autre fierté de nos actions de coopération. La finalisation de la mise en place des aides à la navigation sur le fleuve Congo de Kisangani à Kinshasa et sur la rivière Kassaï d'Ilebo à Kwa Moot, soit sur plus de 2200 km contribuent à désenclaver les territoires. Nous participons à travers cet atout essentiel à favoriser la mise en œuvre d’une politique de décentralisation indispensable au développement des territoires.

Toutes ces actions, nous les menons de concert avec le Gouvernement de la RDC, l’Ordonnateur national, le Ministre des Finances, son excellence Henri Yav Mulang et son bureau, nos partenaires de la COFED. Je leur adresse ici, au nom de la délégation, nos remerciements. A ce partenariat doit être associé désormais un dialogue politique plus constant.

Enfin, toutes ces actions ne seront pérennes sans une gouvernance appropriée et la mise à disponibilité des ressources nécessaires à leur entretien, maintenance et développement.

En septembre 2018, le Président Juncker a exprimé la volonté européenne d’approfondir ses relations économiques et commerciales avec l’Afrique à travers une politique axée sur les investissements et la création d’emplois.

Cette nouvelle Alliance Afrique-Europe constituera un axe déterminant dans la coopération future, alors que les accords de Cotonou prennent fin en 2020 et que notre partenariat doit se réinventer. Cette approche vise à encourager l’investissement, identifier les chaines de valeurs, soutenir l’éducation et le développement des compétences pour renforcer l’employabilité, diversifier les économies, stimuler les échanges et améliorer le climat des affaires.

40 milliards d’euros y seront consacrés à l’échelle du continent. La RDC doit pouvoir y avoir accès. Notre délégation accompagnera les réformes nécessaires à cette fin à travers l’expertise de ses agents et en soutenant le plaidoyer des entreprises européennes, actives dans de nombreux secteurs, et représentées par le Cercle Economique Européen, dont je salue et remercie les membres aujourd’hui présents. 

L’investissement privé, pour être stimulé, a besoin de paix, de sécurité et de stabilité, ainsi que d’un climat propice aux investissements et d’un environnement favorable aux entreprises. Ceci passe notamment par la stabilité macroéconomique et des systèmes financiers ouverts à l’augmentation des crédits au secteur privé.

Je salue l’engagement pris par le Président dans cette direction et je réitère la disponibilité de l’UE pour accompagner la modernisation de la gestion des finances publiques et lutter contre la corruption qui gangrène le développement de ce magnifique pays et nuit à l’émergence d’une classe moyenne, moteur du progrès.

Vous l’aurez donc compris, l’Union européenne reste déterminée à soutenir les réformes en faveur de la démocratie et du progrès social, que vous et le peuple congolais porterez. Vous savez pouvoir compter avec nous sur un partenaire fiable, stable et prévisible pour promouvoir les atouts de ce grand et beau pays et de son apport inestimable au patrimoine commun, symbolisé par sa biodiversité.

Permettez-moi avant de conclure de présenter notre gratitude à tous nos partenaires qui font vivre ces projets sur le terrain, souvent dans des conditions difficiles. Je veux aussi remercier chaleureusement l’ensemble des personnels de la délégation qui m’accompagnent au quotidien et ont démontré leur solidarité sans faille depuis plusieurs mois. Enfin, un grand merci à ma chère épouse et à toutes nos familles qui sont les piliers sur lesquels nous nous reposons.

Je vous souhaite à tous une belle fête de l’Europe, Matondo Mingi.

 

Category
Speeches of the Ambassador
Location

Bruxelles

Editorial sections
DR Congo (Kinshasa)