Speech by President Charles Michel at the 76th UN General Assembly High Level Debate

24.09.2021

24 septembre 2019, New York - Discours du président Charles Michel - Assemblée générale des Nations unies

 

Nadia Murad est née en Irak. Elle est yezidie. Le 15 août 2014, sa vie bascule: des djihadistes attaquent son village. Six frères sont assassinés sous ses yeux. Elle voit sa mère pour la dernière fois. Elle est capturée pour devenir esclave sexuelle. Elle subira les sévices les plus immondes. Mais finira par s'échapper. Aujourd'hui, prix Nobel de la Paix, elle se bat sans relâche pour les droits et la dignité des femmes.

Et je la cite: "Aujourd'hui, nous voyons le prix des conflits marqués sur les corps des femmes en Irak, en Afghanistan, au Tigrée et à tant d'autres endroits… Tant de potentiel est perdu lorsque l'on ignore le pouvoir des femmes dans la prévention des conflits et la reconstruction des communautés..." Fin de citation…

J'ai rencontré Nadia Murad. J'ai vu dans ses yeux toute la force de l'humanité. J'ai entendu dans la douceur de sa voix une absolue détermination. Elle a décidé de puiser dans le drame et l'infinie souffrance une force inébranlable pour transformer le monde.

C'est habité par cette inspiration que je m'adresse à vous aujourd'hui.

The European Union was forged by Europeans. Like an irrepressible surge of dignity and freedom after two bloody world wars.

Today we face another focal point in human history.  Because we are entrenched in another war – a global war. This global war has no opposing sides.  No armies.  And no land is lost or conquered.  Yet, this war destroys lives.  Brings countries to their knees. And unimaginable suffering to families.

I am talking about the war that humans have waged against nature.  We have tortured our planet.  Abused our natural resources.  We have committed acts of war against our environment.  And now … nature is fighting back.  Bringing us back to our senses.  Back to humility.

No one can say: “I didn’t know”.  For decades, scientists have sounded the alarm. But their warnings fell on deaf ears. We turned away, so as not to see. And today, the shock is brutal. 

We are reaping what we have sown.

The fires that have devastated Australia. The droughts that have ravished Africa. The floods that have scarred Europe. And the hurricanes that have battered the United States.

And there is another scourge that has afflicted our planet … for nearly 2 years.  This also predicted by science.  COVID-19.  It has killed 4.7 million people. And shattered the lives of billions more.

But this pandemic has also led us back to the essential: life and human dignity. To safeguard these, we have taken exceptional measures: massive confinements that have brought our economies, our social lives and, most seriously, our freedoms to a near standstill.

This pandemic has opened our eyes to the obvious – our lives and our health are inextricably linked to the health of our fields, forests, oceans and fauna.

We share this planet with other living beings.  It is time to stop waging war against our natural world.  It is time for humans to sign an armistice with nature.  A peace treaty with our planet. And with the generations to come. 

It’s time for us to transform the world, just as the previous generation did after the last World War. Inspired by these principles, they left us an international order based on rules. To promote peace. They built liberal democracies. To guarantee the dignity of each individual. They championed a development model based on the freedom to trade and to pursue economic opportunity. To ensure prosperity.

These choices have ushered in progress and greater stability. But the world of yesterday is not that of today. And even less the world of tomorrow. 

Brutal unilateralism too often elbows out multilateralism.  The ambition to dominate creates new dependencies and leads to tensions and conflicts.

Democracies are under pressure. Both from within and from without.  Authoritarian regimes, openly or not, meticulously undermine the principles of freedom at home, and even beyond their borders.

Finally, our model of economic development has run its course. Its flaws are increasingly visible: the extreme exploitation of resources and increasing inequality.  We must escape this vicious circle. We are indeed at an inflection point. We must ask ourselves: What world do we want for tomorrow? 

We want a world inspired by reason. A world that trusts in science. That guarantees the dignity and freedom of every human being.  We want a fairer and a safer world. We want cooperation rather than confrontation. Solidarity rather than isolation. Transparency not secrecy. And we want loyalty.  Honouring our word when our word is given.

You can count on the European Union -- to give all our energy, our talent, our effort. And to support the 2030 Agenda and the Sustainable Development Goals. In full confidence with Secretary General Guterres. And we will back up our words with action.

Un monde plus juste, c'est un monde où nous sommes tous protégés de la Covid-19. L'Union européenne a soutenu massivement la recherche et a développé des capacités importantes de production de vaccins. Nous avons exporté 700 millions de doses vers 130 pays. Trois milliards d'euros ont été investis dans Covax. Mais reconnaissons-le, l'écart de vaccination avec les pays en développement est inacceptable. Il nous faut agir plus vigoureusement encore.

Nous avons lancé des projets concrets: un milliard d'euros est mobilisé pour développer les capacités de production pharmaceutique y compris vaccinale dans plusieurs pays africains. Nous sommes prêts à soutenir aussi des partenariats en Amérique latine.

Enfin, il ne suffira pas de vaincre cette pandémie. Il faut prévenir les prochaines. Renforcer la résilience du monde entier. C'est l'objectif d'un Traité international sur les pandémies que nous avons proposé avec le docteur Tedros Ghebreyesus.

J'encourage chacun à soutenir le lancement des négociations au plus vite. 

Un monde plus juste et plus sûr, ce sera un monde libéré de la menace climatique. Il faut nous fixer des objectifs ambitieux. L'accord de Paris a été une étape majeure. L'Union européenne en a été un acteur de poids. Contrairement à d'autres, nous avons tenu bon pour le défendre. Les 27 ont ensuite montré la voie en prenant l'engagement de la neutralité climatique en 2050.

D'autres suivent notre exemple. Et dans le même esprit, l'Union européenne a rehaussé ses objectifs à l'horizon 2030. 

Il convient ensuite de progresser dans la coopération internationale. Nous devons aller vers une tarification du carbone. L'Union l'a entamé à son niveau avec le système d'échange d'émissions ETS: cette approche stimule l'innovation et produit des résultats.

Ensuite, il est impératif de stimuler les investissements dans le verdissement de l'économie. Nous devons tenter de nous entendre sur une approche globale pour fixer un cadre réglementaire à la finance verte.

Enfin, tout le monde n'est pas égal dans la course contre la montre du réchauffement. Les pays industrialisés portent une responsabilité particulière dans l'accompagnement des pays pauvres. Depuis la promesse de mobiliser 100 milliards de dollars annuels pour financer la lutte internationale contre le réchauffement, rares sont ceux qui ont contribué leur part.

De 2013 à 2019, l'Union européenne et ses États membres ont versé 127 milliards d'euros, soit un tiers du total. Nous engageons les autres partenaires à tenir aussi leur promesse. C'est une question de confiance et d'équité.

Un monde plus juste et plus sûr, c'est aussi un monde en paix. En ce moment-même, des femmes sont brutalisées et violées, parce qu'elles sont des femmes. Cette arme de guerre est notamment utilisée dans la Corne d’Afrique, en Éthiopie. Nous appelons à un cessez-le-feu et l'arrêt immédiat des violences ethniques. L'accès à l'aide humanitaire doit être garanti sans aucune entrave.

La pauvreté et le radicalisme sont deux fléaux qui se nourrissent mutuellement. L'éducation, les services de base la santé et les infrastructures sont les meilleurs remèdes contre l'instabilité et les dangers qui y sont liés.

Au Sahel, l'Union européenne et neuf de ses États membres sont mobilisés auprès des populations. À la fois dans les missions de sécurité et de défense, et dans l'aide au développement. Restaurer l'autorité de l'État et garantir la gouvernance sont indispensables pour engranger des résultats durables.  

La situation nouvelle en Afghanistan est un échec pour la communauté internationale. Et des enseignements doivent en être tirés. Mais une chose est sûre: la fin des opérations militaires n'est pas la fin de l'engagement européen auprès des Afghanes et des Afghans.

Nous voulons éviter toute catastrophe humanitaire, et préserver autant que possible les acquis des 20 dernières années, spécialement pour les droits des femmes et des jeunes filles.

Dans la région indo-pacifique, l'Union européenne est le premier investisseur et l'un des plus importants partenaires commerciaux: 40% de notre commerce y transite.  Nous avons décidé d'y renforcer massivement notre coopération. C'est le sens du partenariat désormais stratégique avec l'ASEAN.

La sécurité et la liberté de navigation en mer de Chine méridionale et dans l'Océan indien doivent être garantis conformément au droit international. L'Union européenne y prendra sa pleine part de responsabilité.

Jamais l'Union européenne ne baissera les yeux face aux violations des droits humains. L'État de droit, la non-discrimination, le respect des minorités (y compris LGBTQI) sont des valeurs cardinales. C'est le sens du dialogue "droits de l'homme" que nous menons avec de nombreux pays dans le monde.

Nous défendons fermement nos valeurs,  mais nous sommes aussi prêts à nous engager et dialoguer afin de relever les défis globaux, comme le climat, la biodiversité et la lutte contre les pandémies. 

La paix, c'est bien plus que l'absence de la guerre. La paix n'est jamais acquise. Elle se façonne au quotidien. Elle se nourrit par les connexions mutuelles entre nos sociétés. Plus nous partageons d'intérêts, moins nous entrons en conflit. Les échanges économiques, scientifiques, culturels, intellectuels sont des ferments puissants pour la stabilité. Et cela passe par les projets d'intégrations régionales ou continentales. Et cela passe aussi par les grands partenariats entre ces nouveaux espaces intégrés. Que ce soit en Amérique latine et aux Caraïbes, en Asie et aussi en Afrique. 

Avec nos frères africains, nous travaillons d'arrache-pied pour une nouvelle alliance avec le continent africain. Écoute et respect mutuel. Prise en compte des spécificités et des réalités, transparence et bonne gouvernance de part et d'autre… doivent en être la marque de fabrique. Nous mobiliserons les secteurs privés pour investir dans les infrastructures et les nouvelles technologies. Nous soutiendrons tous les efforts pour promouvoir l'éducation, qui est le plus sûr levier pour offrir un avenir meilleur. Nos intérêts communs sont un moteur robuste pour faire réussir le nouveau logiciel de notre partenariat.

L'Union européenne et nos États membres, nous sommes une des principales puissances économiques dans le monde. Et nous sommes aussi le premier sponsor de la paix et du développement durable. Nous finançons un quart du budget ordinaire de l'Organisation des Nations unies. 30% du budget total du maintien de la paix. Et la moitié de l'aide au développement mondiale. C'est un choix cohérent avec notre vision d'un monde ouvert et interconnecté.

Nous avons des valeurs à promouvoir, des citoyens à protéger et des intérêts à défendre. Et c'est dans cet esprit que nous développons l'autonomie stratégique de l'Union européenne, y compris dans nos capacités de sécurité et de défense.

Pour être moins dépendants. Pour renforcer notre influence positive. Et pour consolider notre Alliance atlantique. Elle est ancrée dans nos valeurs démocratiques, et est un pilier inébranlable de notre sécurité et de la stabilité dans le monde. Des alliés plus forts, font une alliance plus forte. Dans la transparence et la loyauté.

Notre influence positive, nous voulons bien entendu l'approfondir dans notre voisinage immédiat. C'est le sens de notre Partenariat oriental, qui est un engagement de long terme avec l'Ukraine, la Géorgie, la Moldavie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan. C'est le sens de notre de notre soutien à la population bélarusse et de notre fermeté vis-à-vis du régime de Monsieur Loukachenko. Notamment lorsqu'il instrumentalise les migrants comme arme hybride pour déstabiliser des membres de l'Union européenne. Et c'est enfin le sens du travail que nous effectuons afin de resserrer les liens avec les pays des Balkans occidentaux.  

Enfin, le récent regain de violence au Proche-Orient a été un nouveau rappel de la nécessité absolue de reprendre le dialogue pacifique vers la solution à deux États entre Israël et la Palestine.

Transformer le monde. Le rendre plus juste et plus sûr. Et garantir la dignité de chacun. Voilà le serment des Nations unies. Soyons tous à la hauteur de cette promesse. Pour toutes les Nadia Murad de ce monde, et pour les générations qui vont nous suivre. Vous pouvez compter sur l’Union européenne. Je vous remercie.