Discours d’ouverture de S.E. Mme Cécile Abadie, Ambassadrice, Cheffe de la Délégation de l’Union européenne au Gabon

Conférence de haut niveau des Présidents de Parlement sur le rôle des institutions législatives de transition pour le retour à un ordre constitutionnel durable dans les pays d’Afrique Centrale et de l’Ouest

Organisé par l’Union interparlementaire (UIP), le Parlement de Transition de la République Gabonaise et l’Institut International pour la Démocratie et l’Assistance Electorale (IDEA International) et avec le soutien de l’Union Européenne ainsi que de ses pays membres dans le cadre de Team Europe Democracy (TED).

5 - 6 Mai 2025, Palais Léon Mba (Libreville/Gabon)

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Monsieur le Président de l’Assemblée nationale de la Transition,

Madame la Présidente du Sénat de la Transition,

Messieurs les Présidents de Parlements,

Monsieur le Secrétaire Général de l’Union interparlementaire,

Monsieur le Président de la Commission de la CEEAC,

Honorables et vénérables membres du Parlement de la Transition,

Monsieur le Responsable du Bureau du Gabon de l’Institut International pour la Démocratie et l’Assistance Electorale,

Mesdames et Messieurs,

C’est un honneur pour moi de participer à l’ouverture de cette Conférence des Présidents de Parlements sur le rôle des institutions législatives de transition pour le retour à un ordre constitutionnel durable dans les pays d’Afrique Centrale et de l’Ouest.

J’ai la chance d’être un témoin d’un processus de transition, celui du Gabon, et j’ai pu m’interroger à la fois sur les facteurs qui peuvent contribuer au succès d’une telle période mais aussi sur ce que peut être le rôle des partenaires. Cette conférence m’offre l’opportunité de partager quelques réflexions.

Elle se tient au lendemain d’une étape significative franchie par le Gabon dans son chronogramme de transition, avec le scrutin présidentiel du 12 avril, et après le dévoilement d’un calendrier pour la complète mise en œuvre de la nouvelle constitution. L’un des éléments d’importance de ce nouveau calendrier est l’organisation d’élections législatives et locales, puis sénatoriales. Lorsque ces élections se seront tenues, nous n’aurons plus un parlement de transition aux membres désignés mais des représentants du peuple élus.

Il est intéressant de nous interroger sur ce que cela va concrètement changer.

Beaucoup de parlementaires de la transition ont souvent tenu à souligner que ce n’était pas parce qu’ils avaient été nommés que le parlement devait pour autant devenir une simple chambre d’enregistrement. Et en effet, pour bon nombre de réformes engagées durant les derniers mois, il y a eu du débat, des amendements, en particulier pour la Constitution lorsque ce Parlement a travaillé, réuni en constituante, sur son nouveau modèle politique et institutionnel.

Si un parlement nommé a pu jouer un rôle politique dans les compromis qui se sont noués, c’est peut-être, en tous cas c’est l’hypothèse que j’avance, en raison de deux facteurs :

  • Le premier c’est la diversité avec des parlementaires venant non seulement de partis politiques différents et auparavant opposés, mais aussi de la société civile.
  • Le deuxième c’est le sens de la responsabilité devant les citoyens qui ont voulu donner leur chance à ce processus de transition mais en attendaient beaucoup et je présume que chaque parlementaire a eu à l’esprit les enjeux importants de cette phase : la réconciliation des citoyens avec les institutions, la refonte du modèle de société mais aussi les préoccupations économiques et sociales qui ne pouvaient être mises de côté.

Bien souvent les autorités gabonaises nous ont dit que la transition était une période parfois inconfortable, qu’elle ne donnait pas un horizon temporel qui permette de se projeter, qu’elle rendait les investisseurs très frileux et qu’elle empêchait le Gabon de faire suffisamment entendre sa voix à l’international. Le Gabon a fait le choix d’adopter un modèle institutionnel dans lequel le suffrage universel direct a été privilégié pour beaucoup de fonctions politiques, du niveau présidentiel au niveau local.

J’observe donc que l’élection et la légitimité qu’elle offre sont apparues comme quelque chose de désirable, de nature à rendre plus fort celui ou celle qui va exercer son mandat, qu’il soit le Président de la République ou un élu local.

Il ne s’agit pas ici de présenter le Gabon comme un modèle - il faut parfois se méfier des modèles, nous le savons bien en Europe avec nos 27 systèmes tous différents chacun avec ses singularités et ses imperfections - mais je trouve que le parcours de ce pays, celui que je connais le mieux parmi ceux qui seront évoqués au cours de cette conférence, offre en tout cas certains enseignements intéressants et peut alimenter une réflexion sur ce qui est le moteur du retour à l’ordre constitutionnel.

Dans une telle période, quel est peut-être le rôle des partenaires ?

Pour l’Union européenne, il était essentiel de n’être ni prescriptif, ni condescendant, ni complaisant. Il n’y a eu aucune injonction mais un accompagnement que nous souhaitions flexible et respectueux des choix du pays.

L’objectif d’un fonctionnement plus démocratique des institutions et d’un retour à un ordre constitutionnel durable dans les meilleurs délais était un engagement pris par les autorités vis-à-vis des citoyens, avant même la communauté internationale. L’appui apporté par l’Union européenne et ses Etats membres à la transition politique a pris différentes formes: la mobilisation d’expertises techniques sur des sujets ciblés, tels que par exemple la réforme constitutionnelle ou les adaptations législatives, y compris du cadre électoral, en contexte de transition ; ensuite un projet, d’un montant de 2,5 millions d’euros soit 1,7 milliards de francs CFA, confié à IDEA International et au Centre Européen pour le Soutien Electoral (ECES), pour appuyer les institutions – c’est-à-dire non seulement le gouvernement mais aussi le parlement- et renforcer les capacités des médias et la société civile pour qu’ils soient, chacun dans son domaine, outillés au mieux pour répondre aux défis du moment et du futur. Enfin, le soutien de l’Union européenne s’est manifesté dans le domaine de l’expertise électorale, avec une Mission d’Expertise Electorale, en amont du référendum de novembre 2024, qui a formulé des recommandations, soumises aux autorités, pour inspirer la réforme du Code électoral qui s’en est suivie. L’Union européenne avait aussi manifesté sa disponibilité à déployer une Mission d’Observation Electorale, si les autorités en validaient le principe.

L’Union européenne restera attentive et à l’écoute des besoins qui pourraient être exprimés par les parties concernées pour l’achèvement de la transition.

La conférence qui nous réunit aujourd’hui va réfléchir sur le rôle des institutions législatives – qu’il s’agisse de représentation, de contrôle de l’exécutif ou d’élaboration des lois – dans les processus de transition, en présence de représentants d’institutions législatives de pays engagés dans des dynamiques très différentes, et c’est précisément la singularité de chaque situation qui va favoriser l’échange d’expériences et au-delà une réflexion sur la gouvernance en Afrique.

L’Union européenne se réjouit d’appuyer cet événement dans le cadre de l’Initiative Equipe Europe Démocratie (Team Europe Democracy – TED) et je salue en particulier le soutien financier spécifique apporté par les Pays-Bas. Cette initiative vise à promouvoir la démocratie, l’état de droit, l’universalité des droits humains et des libertés fondamentales et à renforcer les valeurs de respect pour la dignité humaine, de liberté et d’égalité entre tous. Ce sont des valeurs certes mises à l’épreuve mais dont je constate qu’elles restent attractives pour bien des peuples et sont vues comme un gage d’efficacité.

Je vous souhaite des travaux fructueux, et vous remercie de votre attention.