Première étape de la mission consultative civile PSDC à Bangui : Déploiement du Chef de la mission et de l'équipe préparatoire en République centrafricaine

20.07.2020

À l’instar de la population centrafricaine, l’UE souhaite voir la paix et la sécurité dans le pays. Pour ce faire, l'autorité de l'État doit être étendue à l'ensemble du pays, conformément à l'état de droit et aux principes des droits de l'homme ; la mission de conseil de l’UE soutient cet objectif. La mission a atteint sa Capacité Opérationnelle Initiale – résultat de la planification opérationnelle qui a précédé, dirigée par la CPCC, le quartier général des missions civiles PSDC, à Bruxelles. Paulo Soares, officier supérieur de la gendarmerie portugaise (Guarda Nacional Republicana), est le premier Chef de la Mission. Il partage dans cette interview, depuis Bangui, ses vues personnelles sur les activités à venir de la Mission.

 

1. Paulo Soares, vous avez déjà travaillé en République centrafricaine au sein de l’EUTM RCA, une mission de formation de l’UE pour les militaires centrafricains. Quelles ont été vos expériences personnelles durant cette période ?

Tout d’abord, c’était ma première expérience dans le cadre d’une mission militaire pour l’UE. C’était un formidable rappel de ma première expérience en tant qu’officier de l’armée portugaise entre 1985 et 1987.

Deuxièmement, c’était aussi un retour en Afrique, après avoir vécu et travaillé au Mozambique pendant quatre ans au cours de ma carrière précédente, ce qui m’a beaucoup aidé à m’adapter aux réalités et aux besoins de ce pays. Même si l'Afrique est un continent très diversifié et doté d'une multitude de cultures, cette expérience au Mozambique m'avait préparé à être ouvert à des manières de penser et d'agir différentes des miennes.

La coopération avec les autorités centrafricaines s’est avérée extrêmement facile. Elle reposait sur une confiance mutuelle, et nous étions tous conscients de ce qu’il restait à faire et inspirés par la volonté de promouvoir le changement. En outre, il était évident que l’implication constante des autorités et de la société dans son ensemble était essentielle à la réalisation des réformes structurelles.

Une autre expérience formidable de cette période a été la coopération étroite avec les partenaires internationaux présents en RCA, notamment avec la MINUSCA/UNPOL, le PNUD, EUDEL, ainsi qu’avec les ambassades de France et des États-Unis. Avec ces partenaires, des relations ont été établies au-delà du simple travail de coordination, ce qui s'est traduit par une réelle valeur ajoutée dans notre travail commun d'appui au développement du secteur de la sécurité.

Enfin, et ce n’est pas le moins important, je voudrais souligner les liens étroits qui se sont noués avec les collègues de l’EUTM RCA. Je peux dire que j’ai toujours obtenu l’appui inconditionnel de mes collègues, ce qui m’a fait me sentir privilégié d’appartenir à une équipe aussi dévouée.

 

2. Qu’est-ce qui vous amène maintenant à Bangui ?

En conseillant les autorités centrafricaines dans le cadre de l’EUTM RCA, les besoins du secteur de la sécurité sont apparus clairement, ainsi que le partenariat privilégié de l’Union européenne dans ce secteur. Dans cet esprit, tout le travail effectué par la Cellule d’interopérabilité de l’EUTM RCA au cours des neuf mois durant lesquels j’ai servi dans le pays, m’a laissé avec la ferme conviction de continuer à soutenir son développement. Je pense que nous devons assurer une sécurité accrue et meilleure pour la population, et renforcer encore l’image déjà excellente de l’Union européenne dans le pays.

Je me sens honoré d’avoir été choisi comme chef de la dernière mission civile PSDC (la 11e) et je suis conscient de l’énorme responsabilité et des défis qui m’attendent.

 

3. L’UE a décidé d’établir la Mission civile PSDC en République centrafricaine en réponse à une demande du gouvernement centrafricain après l’accord de Paix en 2019. Avant de vous déployer à Bangui, vous étiez régulièrement en contact avec les autorités centrafricaines. Quels étaient les principaux sujets ?

Les autorités centrafricaines ont toujours exprimé leur souhait de déployer une mission civile de l’Union européenne, avec les caractéristiques et la taille que l’EUAM RCA aura.

Deuxièmement, les autorités locales ont regretté de voir partir certains de leurs interlocuteurs de la Cellule Interopérabilité de l’EUTM RCA, ce qui les privait d’un soutien précieux pour leurs efforts de réforme dans le secteur de la sécurité. D’une certaine manière, l’EUAM RCA va poursuivre et élargir les travaux lancés par la Cellule Interopérabilité de l’EUTM. Pour ma part, j’ai toujours assuré les autorités locales que l’EUAM RCA était déjà opérationnelle malgré le fait qu’elle n’avait pas encore été déployée en République centrafricaine en raison de la pandémie de COVID-19. J'ai souligné que la Mission faisait tout ce qui était en son pouvoir pour partir dès que possible.

Entre-temps, la Mission avait déjà établi des relations de travail avec ses homologues centrafricains sur le terrain. Je pense que ces contacts réguliers avec les autorités centrafricaines ont considérablement accru la crédibilité de la mission aux yeux de nos homologues. La vitesse sans précédent avec laquelle le SOMA a été conclu prouve à la fois les attentes et la confiance que les Centrafricains ont placées dans notre mission.

 

4. Les principaux partenaires de coopération de la mission seront la Délégation de l’UE à Bangui, la Mission de formation militaire de l’UE en RCA, ainsi que les Nations Unies et sa mission la MINUSCA. Au cours de la phase de préparation, quelles ont été vos premières expériences de contact avec les principaux partenaires de coopération ?

Pour répondre à cette question, je voudrais souligner que l’EUAM RCA n’est pas totalement inconnue de nos partenaires internationaux en RCA. Par exemple, nous échangeons chaque semaine avec les partenaires internationaux par l’intermédiaire de notre conseiller stratégique en matière de sécurité publique, un officier de gendarmerie français qui travaillait déjà pour la Cellule Interopérabilité de l’EUTM RCA. Ce niveau de coopération a grandement facilité l’intégration de la nouvelle Mission dans le cadre de l’appui international à la RCA, considérée dès le début comme un partenaire égal. Je suis convaincu qu'une fois sur le terrain, nous approfondirons et développerons cette coopération déjà fructueuse.

 

5. Le mandat de la Mission consiste essentiellement à fournir des conseils stratégiques au Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique centrafricain ainsi qu’aux Forces de Sécurité Intérieure. C’est pourquoi l’EUAM est favorable à la mise en place à long terme de services de sécurité cohérents et responsables, sous le contrôle total des autorités nationales. À votre avis, qu’est-ce qui est fondamental dans ce processus?

Des contacts personnels et directs avec les autorités centrafricaines sont indispensables au succès d’une mission. L'établissement de relations de confiance mutuelle posera les bases de l'élaboration et de l'exécution de notre mandat, en exigeant de tous les membres de la mission, mais surtout de nos conseillers stratégiques de la sensibilité, d’avoir la capacité d'écouter mais aussi de la persévérance ; sans ces qualités, il pourrait devenir difficile d’atteindre nos objectifs.

Un autre facteur essentiel du succès de la Mission tient au fait que la réforme et le développement du secteur de la sécurité et des Forces de Sécurité Intérieure dépendront du degré d’appropriation et d'adhésion de la population locale. Rien ne peut être imposé, et un processus de réforme durable nécessite l’engagement total des autorités locales.

 

6. La Réforme du Secteur de la Sécurité vise à développer des services de sécurité qui fonctionnent dans le cadre de l’état de droit et qui mettent l’accent sur les besoins des citoyens en matière de sécurité. Il s’agit toujours d’un processus à long terme. Que pensez-vous que la mission sera en mesure de réaliser au cours de sa première année?

Au cours de la première année, il est essentiel de bien comprendre les réalités du secteur de la sécurité en RCA. Outre la gendarmerie et la police, les structures de coordination existantes avec les autres acteurs clefs du pays doivent être clarifiées, notamment les Forces Armées, le Ministère de la Justice, le système pénitentiaire, les Douanes, les Eaux et Forêts ainsi que la Protection Civile.

Après cette phase initiale, l’étape suivante consiste à évaluer, avec les autorités centrafricaines, leurs besoins en matière de planification. Ensuite, nous pourrons commencer à renforcer la capacité de nos interlocuteurs à réformer le secteur de la sécurité grâce à des conseils stratégiques sur mesure. Il est donc essentiel qu’au cours de la première année de notre mandat, le secteur de la sécurité de la RCA soit pleinement impliqué, et il est nécessaire de réviser la Loi de Programmation des FSI.

 

7. Le lancement d'une mission civile dans le pays hôte exige une multitude de mesures et de préparatifs : planification opérationnelle étendue, logistique, accréditation diplomatique, recrutement du personnel approprié... Quel était, selon vous, le principal défi ?

 

Premièrement, la planification opérationnelle du lancement de la Mission était étendue. Cette planification a été entreprise à Bruxelles et dirigée par la CPCC, le quartier général opérationnel des 11 missions civiles de la PSDC. Je remercie sincèrement toute l’équipe de planification, dirigée par Mme Birgit Loeser, Commandant des Opérations Civiles par intérim, qui a travaillé très dur pour que la mission puisse atteindre maintenant sa Capacité Opérationnelle Initiale.

En ce qui concerne la situation en République centrafricaine : le pays est perçu comme un pays lointain, où la situation en matière de sécurité est fragile et où le secteur de la santé est en difficulté. Cet environnement de travail est difficile même pour une mission PSDC. Je suis donc reconnaissant aux États Membres pour leurs contributions qui ont présenté, même pendant la pandémie actuelle, un certain nombre de candidats hautement qualifiés et motivés. Je voudrais souligner le professionnalisme, l'excellent esprit d'équipe et le dévouement du personnel qui a déjà rejoint la Mission. Toutefois, pour mettre en œuvre son mandat, l’EUAM RCA aura besoin à l’avenir d’un soutien encore plus important de la part des États Membres.

 

8. Les missions PSDC ont pleinement mis en oeuvre les mesures de sécurité visant à protéger le personnel et les populations locales contre le Corona-Virus. Vous et vos collègues allez passer les 15 premiers jours à Bangui en quarantaine. Quelle a été l'incidence de la pandémie sur les préparatifs du lancement de la Mission ? Si le personnel tombe malade, qui fournira les soins médicaux à Bangui ?

La pandémie de COVID-19 nous touche tous dans notre vie quotidienne en Europe et la situation ne sera pas différente dans le processus de lancement de cette nouvelle mission. La décision d’envoyer une équipe avancée en RCA permettra de respecter les exigences en matière de quarantaine tout en continuant à travailler. L’objectif est de remplir dès que possible toutes les conditions nécessaires pour que le Conseil puisse déclarer la Capacité Opérationnelle Initiale (IOC) de la Mission et son lancement. À cette fin, l'équipe avancée comprend du personnel chargé de garantir les conditions de sécurité nécessaires, ainsi que les moyens logistiques et informatiques. Il était tout aussi important de veiller à ce que les conseillers stratégiques qui travaillent à l'élaboration du plan de mise en œuvre (MIP) de la mission depuis le début fassent également partie de cette équipe. Cela nous permet de placer chacun d’eux auprès de nos principaux interlocuteurs centrafricains, à savoir le Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique, la Gendarmerie Nationale et la Police Centrafricaine.

L'équipe sera accompagnée de personnel médical chargé de fournir un soutien médical immédiat sur le terrain si nécessaire. Nous avons également conclu des accords préliminaires pour le soutien médical avec des organisations partenaires, qui seront officialisés après notre arrivée en RCA. En complément de ces arrangements, l’Ambassade de France nous a également assuré de son soutien médical.

Nous avons également pris des dispositions pour une MEDEVAC afin d’évacuer les membres de la mission en cas d’urgence.

 

9. Cher Paulo, nous vous souhaitons, ainsi qu’à votre équipe avancée, le meilleur pour vos premières semaines à Bangui.

Je vous remercie beaucoup.

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