Afghanistan: déclaration à la presse du haut représentant Josep Borrell à l'issue de la réunion informelle des ministres des affaires étrangères (Gymnich)

03.09.2021

Seul le texte prononcé fait foi!

Comme je l'ai indiqué au départ, il était prévu que l'Afghanistan occupe une place centrale dans les discussions d'aujourd'hui. C'est la priorité la plus urgente. Il s'agit d'une question polyédrique (multiforme, multidimensionnelle), et nous devons examiner la situation en Afghanistan à la lumière des nouvelles circonstances: les enseignements tirés, la gestion de la consolidation de l'État, les relations avec les États-Unis. Tout cela.

Mais aujourd'hui, les ministres ont immédiatement fait porter leurs efforts sur le débat autour de la question la plus urgente de ce programme très complexe. Nous aurons le temps d'approfondir d'autres questions, laissées en suspens aujourd'hui. Aujourd'hui, les ministres se sont concentrés sur la manière de faire face à la nouvelle situation et de traiter avec le nouveau gouvernement afghan, sous le régime des talibans.

Je vais essayer de résumer les principaux éléments de la discussion tenue avec les ministres des affaires étrangères sur cette approche spécifique. C'est ce que je retiens personnellement du débat, et Anže [Logar], ministre [slovène des affaires étrangères], viendra également compléter mon point de vue. Cependant, comme vous le savez très bien, il s'agit d'une réunion informelle, qui ne donne lieu à aucune décision, à aucune conclusion du Conseil; [ce que je vous présente ici, ce sont] les conclusions du haut représentant, faisant le point sur le sentiment général qui ressort de la discussion entre les ministres.

Ce qui est clair, c'est que l'avenir de l'Afghanistan reste une question essentielle pour nous. Cette question nous touche, elle touche la région, la stabilité internationale, et a une incidence directe sur la sécurité européenne. Dans le même temps, les ministres ont vivement insisté sur l'idée que nous restons déterminés à soutenir la population afghane.

Pour soutenir la population afghane, nous devrons nouer le dialogue avec le nouveau gouvernement afghan, ce qui n'est pas synonyme de reconnaissance, mais d'un engagement opérationnel. Et le renforcement de cet engagement opérationnel dépendra du comportement de ce gouvernement. Pour évaluer ce comportement, nous avons besoin de critères, et les critères suivants sont ceux que nous avons évoqués comme base du dialogue de l'Union européenne avec ceux qui détiennent le pouvoir en Afghanistan à la suite de la prise de contrôle par les talibans.

D'abord, nous jugerons ce comportement et dialoguerons avec le gouvernement afghan en fonction de l'engagement qu'il aura pris de faire en sorte que l'Afghanistan ne serve pas de base arrière pour l'exportation du terrorisme vers d'autres pays.

Notre deuxième critère sera le respect des droits de l'homme, en particulier des droits des femmes, de l'état de droit et de la liberté des médias.

Le troisième critère sera la mise en place d'un gouvernement de transition inclusif et représentatif, au moyen de négociations entre les différentes forces politiques afghanes.

Le quatrième sera le libre accès de l'aide humanitaire, dans le respect de nos procédures et des conditions d'acheminement. Nous allons accroître l'aide humanitaire, mais notre jugement dépendra de l'accès accordé à cette aide, sous réserve de nos procédures et conditions.

Le dernier critère sera le respect de l'engagement pris par les talibans concernant le départ des ressortissants étrangers et des Afghans en situation de risque qui souhaitent quitter le pays, conformément à ce qui a déjà été décidé par la résolution 2593 du Conseil de sécurité de l'ONU.

Il s'agit d'un dialogue avec les talibans eux-mêmes, que la communauté internationale demande instamment. Nous jugerons leur comportement sur la base de ces cinq critères. Certains diront "Oh, mais les talibans ne les respecteront pas". Attendons de voir. Notre dialogue dépendra du respect de ces conditions.

C'était donc un aspect très important de nos discussions d'aujourd'hui: comment allons-nous dialoguer avec le nouveau pouvoir en Afghanistan?

Dans un deuxième temps, nous avons réfléchi à la manière dont nous allons continuer à soutenir les personnes que nous souhaitions évacuer et qui n'ont pu quitter le pays en raison de la fin des évacuations par transport aérien, à la fin du mois d'août. Des personnes en situation de risque, des personnes qui travaillaient avec nous, des personnes qui soutenaient le processus de démocratisation de l'Afghanistan, qui sont toujours là-bas. Nous les connaissons. Ces personnes doivent être évacuées.

Sur ce point, les ministres des affaires étrangères ont pris bonne note de ce que le Conseil des ministres de l'intérieur a décidé le 31 août. Et chaque État membre décidera, sur une base volontaire, des personnes en danger qu'il est disposé à accueillir sous sa protection, conformément, comme je l'ai dit, à la déclaration concernant la situation adoptée par le Conseil le 31 août dernier.

Le critère concernant l'autorisation par le nouveau pouvoir en Afghanistan de la circulation des personnes est à distinguer de l'évacuation du personnel national sous la protection des États membres, qui se fera sur une base individuelle et volontaire.

Afin de procéder à cette évacuation et d'évaluer la mise en œuvre des critères susmentionnés, nous avons décidé de travailler de manière coordonnée. Cela signifie coordonner nos contacts avec les talibans, y compris par une présence conjointe de l'Union européenne à Kaboul, dont la coordination soit assurée par le Service européen pour l'action extérieure - si les conditions de sécurité sont remplies.

Afin de procéder de manière coordonnée, d'évacuer les personnes que chaque État membre est disposé à accueillir, nous avons besoin d'un engagement ferme, d'un contact étroit, d'une présence rapprochée. Et ce, de manière coordonnée, par une présence conjointe de l'Union européenne à Kaboul, dont la coordination soit assurée par le Service européen pour l'action extérieure - si les conditions de sécurité sont remplies.

Nous sommes également convenus de la nécessité de coordonner la mobilisation des partenaires régionaux et internationaux concernés. Pour ce faire, les ministres ont estimé opportun que l'Union européenne lance, sous les auspices du Service européen pour l'action extérieure, une plateforme politique régionale de coopération avec les voisins de l'Afghanistan.

Cette démarche s'appuiera sur les relations étendues que l'Union européenne et ses États membres entretiennent déjà avec ces pays. Cette plateforme politique s'intéressera, entre autres, à la gestion des flux de population en provenance de l'Afghanistan; à la prévention de la propagation du terrorisme; à la lutte contre la criminalité organisée, y compris le trafic de drogues et d'êtres humains.

Cela représentera un effort diplomatique important de la part de tous les États membres qui agiront ensemble, le Service européen pour l'action extérieure assurant la coordination de leur effort, afin de créer cette plateforme politique régionale avec les voisins de l'Afghanistan, qui est indispensable pour stabiliser l'ensemble de la région.

Bien entendu, nous continuerons de travailler avec des agences spécialisées pour relever les défis qui se posent en Afghanistan. Nous nous félicitons de la résolution 2593 du Conseil de sécurité des Nations unies. Nous avons eu l'occasion d'entendre le rapport du Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, qui nous a présenté la situation humanitaire, catastrophique, que connaît le pays.

Nous travaillerons en étroite coordination avec les États-Unis, ainsi qu'avec d'autres partenaires et organisations régionales dans le cadre du G7 et du G20.

Il s'agit donc de dialoguer avec les talibans, d'établir des critères pour évaluer le déroulement de ce dialogue, de coordonner les efforts afin de poursuivre l'évacuation de nos ressortissants et des Afghans sous notre protection, sur une base individuelle au niveau des États membres, mais de manière coordonnée entre nous tous pour rendre cette évacuation possible, ce qui nécessitera certainement un dialogue avec le [les détenteurs du] pouvoir en Afghanistan, et enfin, de créer une plateforme politique régionale avec les voisins de l'Afghanistan.

Ce fut une discussion intense et je vous remercie, Anže, [de] l'aide que vous m'avez apportée pour parvenir à ces conclusions. Je suis certain que vous souhaiterez ajouter quelques considérations à cet égard.

Lien vers la vidéo: https://audiovisual.ec.europa.eu/fr/video/I-209998

 

 

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