Déclaration de l'UE - Conseil de sécurité des Nations unies: débat ouvert sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales: menaces pesant sur la paix et la sécurité au Moyen-Orient

20.08.2019

20 août 2019, New York - Déclaration faite au nom de l'Union européenne et de ses États membres par S.E. M. Silvio Gonzato, chef adjoint de délégation, délégation de l’Union européenne auprès des Nations unies, lors du débat public du Conseil de sécurité sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales: menaces pesant sur la paix et la sécurité au Moyen-Orient.

Madame la Présidente,

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil de sécurité,

J'ai l'honneur de prendre la parole au nom de l'Union européenne et de ses États membres.

La République de Macédoine du Nord*, le Monténégro* et l’Albanie*, pays candidats, ainsi que la Bosnie-Herzégovine, pays du processus de stabilisation et d’association et candidat potentiel, se rallient à la présente déclaration.

La résolution des conflits au Moyen-Orient et la gestion de l'après-crise est l’une des tâches les plus difficiles auxquelles la diplomatie internationale est actuellement confrontée.

L’UE soutient sans réserve les Nations unies, et plus particulièrement le Conseil de sécurité, qui est le principal acteur chargé de veiller au respect et à l'observation du droit international, notamment des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies concernant la situation au Moyen-Orient. Une paix crédible ne pourra être instaurée que si toutes les parties respectent les obligations qui leur incombent en vertu du droit international, notamment toutes les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité. Si tel n’est pas le cas, la viabilité de la paix est en jeu. Le terrorisme, attisé par la radicalisation et l’extrémisme violent, constitue une menace importante pour la paix et la sécurité au Moyen-Orient. Bien que Daech ait subi une défaite territoriale en Syrie et en Iraq, il constitue encore une grave menace. La menace terroriste existe également ailleurs, y compris au Yémen et à Gaza. En effet, même si ses activités se concentrent dans cette région, le terrorisme peut frapper partout dans le monde.

Le manque de confiance entre les principales parties au conflit et l’absence de perspective politique à laquelle est confronté un grand nombre de citoyens doivent aussi entrer en ligne de compte. De nombreux pays du Moyen-Orient subissent une érosion des contrats sociaux, ce qui est source de fortes pressions sur la cohésion sociale et l’intégrité territoriale. Il en résulte une fragmentation des sociétés et la multiplication des acteurs armés au niveau infranational qui ont chacun leurs intérêts propres. Aucune solution politique ne peut aboutir si l'on ne parvient pas à rétablir un climat de confiance et si certaines parties sont exclues.  

Monsieur le Président,

Permettez-moi de vous exposer notre analyse de tous ces facteurs liés à la situation au Moyen-Orient.

L’UE est extrêmement préoccupée par les mesures adoptées par l’Iran depuis le début du mois de juillet, qui ne sont pas compatibles avec les engagements pris par ce pays dans le domaine du nucléaire dans le cadre du plan d’action global commun. Nous demandons à l’Iran d'annuler immédiatement ces mesures, de s’abstenir de toute nouvelle escalade et de revenir à une situation conforme à ses obligations.

Nous rappelons les engagements fermes que nous avons pris au titre de l’accord, y compris en ce qui concerne la levée des sanctions au bénéfice de la population iranienne. À cet égard, nous regrettons le rétablissement de sanctions par les États-Unis à la suite de leur retrait du plan d'action global commun. Notre soutien au plan d'action global commun, adopté à l'unanimité par le Conseil de sécurité des Nations unies et consacré par sa résolution 2231, va de pair avec les efforts que nous déployons pour promouvoir la stabilité dans la région. Nous restons attachés à la préservation et à la mise en œuvre intégrale du plan d'action global commun, élément crucial du régime mondial de non-prolifération nucléaire et garant de notre intérêt à tous en matière de sécurité. Nous sommes déterminés à œuvrer avec la communauté internationale pour atteindre ces objectifs. 

Nous sommes également extrêmement préoccupés par les activités de l’Iran relatives aux missiles balistiques et par le transfert de missiles et des technologies qui s'y rapportent à des acteurs étatiques et non étatiques dans la région. Nous exhortons l’Iran à s’abstenir de toute activité incompatible avec les résolutions adoptées à cet égard par le Conseil de sécurité des Nations unies. L’UE soutient une approche globale et équilibrée à l'égard de ce pays, y compris le dialogue, afin d'aborder tous les sujets de préoccupation, dans un esprit critique en cas de divergences et dans un esprit de coopération sur les questions d'intérêt commun. Nous sommes résolus à poursuivre nos efforts pour permettre le maintien du commerce légitime avec l’Iran, notamment grâce à l’initiative de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni visant à rendre opérationnelle l’entité ad hoc INSTEX, enregistrée en tant qu’entité privée et qui apportera un appui aux opérateurs économiques européens qui participent à des échanges commerciaux légitimes avec l’Iran, conformément au droit de l’Union et à la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies.

La liberté de navigation maritime dans le Golfe est actuellement en jeu, tout comme la sécurité dans ce domaine. L’Union européenne soutient toujours la liberté de navigation, qui est essentielle pour toutes nos économies. Tout le monde doit respecter intégralement le droit international, et notamment la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), généralement reconnue à juste titre comme la constitution des océans et qui reflète le droit international coutumier. L’UE a invité tous les acteurs de la région du Golfe à faire preuve de retenue. Un rapide retour au calme est nécessaire pour réduire le risque de mauvaise appréciation de la situation, qui demeure élevé.

Toujours en ce qui concerne l’Iran, l'apaisement et la retenue revêtent une importance fondamentale. Lors des réunions à haut niveau qui ont eu lieu récemment en Iran, au Koweït et dans d'autres pays de la région, nous avons exprimé nos préoccupations au sujet de la situation actuelle et nos partenaires ont, à leur tour, fait part de leur détermination à œuvrer en faveur du calme et de la stabilité.

L’UE continue d'insister sur le respect intégral du droit international humanitaire et du droit en matière de droits de l’homme au Yémen. Cela inclut le respect et la protection de la vie des civils ainsi que le respect de l'action des travailleurs humanitaires. L’Union européenne reste par ailleurs résolument attachée à l’unité, à la souveraineté, à l'indépendance et à l'intégrité territoriale du Yémen. Elle demande instamment à toutes les parties de mettre un terme à la violence et d’entamer immédiatement le dialogue, notamment en respectant leurs engagements vis-à-vis du processus mené sous l’égide des Nations unies dans le cadre d'un processus politique durable et inclusif. 

Il en va de même pour le conflit en Syrie et la répression violente exercée de longue date contre la population civile de ce pays et qui ne cesse d'ôter la vie à des innocents depuis plus de huit ans. Les accords de cessez-le-feu successifs n'ont pas été respectés. À maintes reprises, l’UE a exprimé sa profonde inquiétude face à l’escalade de la violence à Idlib, principalement due au régime syrien et à la Russie et qui menace la vie et la sécurité de trois millions de personnes. Elle demande une nouvelle fois qu’un cessez-le-feu durable soit mis en place, conformément au protocole d'accord de Sotchi, et rappelle la nécessité d'assurer un accès humanitaire sans entraves, sûr et durable.

L’UE insiste sur le fait qu'il ne peut y avoir de solution militaire et que seule une solution politique conforme à la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies peut apporter une paix et une stabilité durables. Elle soutient sans réserve le travail réalisé par l’envoyé spécial des Nations unies, notamment les efforts déployés pour créer un comité constitutionnel équilibré et inclusif, qui permettrait de faire avancer les pourparlers intrasyriens menés à Genève en vue de parvenir à une solution politique crédible et négociée au conflit, avec l'adhésion des Syriens.

L’Union européenne insiste sur le fait que pour trouver des solutions durables, il est également essentiel d’ouvrir la voie à des élections libres et régulières, de soutenir la société civile syrienne, notamment les femmes, et leur participation équitable et constructive au processus politique, et d’identifier des mesures destinées à renforcer la confiance entre les parties au conflit, y compris en ce qui concerne la question des personnes détenues ou disparues.

L'UE est prête à contribuer à la reconstruction de la Syrie mais ne le fera que lorsqu'une transition politique globale, véritable et inclusive, négociée par les parties syriennes au conflit sur la base de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité des Nations unies et du communiqué de Genève de 2012, aura réellement été amorcée.

L’Union européenne considère que l’obligation de rendre des comptes et la justice sont des conditions préalables à l'instauration d'une paix durable dans la région et, étant donné que la Cour pénale internationale ne peut y exercer sa compétence, elle continuera à soutenir les travaux du MIII et de la commission d’enquête indépendante. Nous continuerons à financer l’Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) afin que les auteurs d'attaques chimiques en Syrie soient identifiés et rendent compte de leurs actes. Promouvoir l'obligation de rendre des comptes et la justice est un élément fondamental de la réconciliation dans le cadre de la gestion après-crise, non seulement en Syrie mais aussi en Iraq, où nous soutenons le travail de recueil des preuves effectué par l’équipe d’enquêteurs des Nations unies chargée de concourir à amener Daech à répondre de ses crimes (UNITAD).

S'agissant du processus de paix au Proche-Orient, permettez-moi tout d'abord de réaffirmer l’attachement de l’UE à une résolution juste et globale du conflit israélo-palestinien au moyen d'une solution fondée sur la coexistence de deux États et d’un accord mettant un terme à l’occupation qui a commencé en 1967 ainsi qu’à toutes les revendications et répondant aux aspirations des deux parties, notamment aux besoins de sécurité israéliens et palestiniens et aux aspirations des Palestiniens à un État et à la souveraineté, sur la base des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies en la matière et des paramètres définis au niveau international. L’UE a exposé en détail sa position ferme et unie sur ces résolutions et ces paramètres à de nombreuses occasions. Nous réaffirmons notre volonté d’œuvrer avec les deux parties, nos partenaires de la région et la communauté internationale en faveur de la reprise de négociations constructives visant à régler toutes les questions relatives au statut définitif et à instaurer une paix juste et durable.

Les colonies israéliennes en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est, sont illégales au regard du droit international et constituent un obstacle important à la paix, comme l’a réaffirmé la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité des Nations unies. La politique d'implantation constante menée par Israël compromet la perspective d'une solution fondée sur la coexistence de deux États.

La récente recrudescence de violence à Gaza, notamment les tirs de roquettes sur Israël, ainsi qu’en Cisjordanie nous rappelle qu’il est essentiel de rouvrir des perspectives politiques pour la paix entre Israéliens et Palestiniens si l'on veut lutter contre la violence et contenir l’extrémisme dans la région.

À la lumière des tensions récentes, qui menacent d’augmenter le risque pour l’ensemble de la région, l’UE rappelle l'importance particulière que revêtent les lieux saints à Jérusalem et appelle au maintien du statu quo mis en place en 1967 pour le Mont du temple/al-Haram al-Sharif, conformément aux accords conclus antérieurement et eu égard au rôle particulier joué par la Jordanie.

En ce qui concerne le Liban, l’UE insiste sur l'importance de réaliser des progrès quant aux engagements pris sur le plan des réformes structurelles et économiques lors de la conférence CEDRE, organisée à Paris, et des réformes dans le secteur de la sécurité, comme annoncé lors de la conférence de Rome II, en mars 2018. En outre, l’UE soutient résolument la FINUL et réaffirme le rôle essentiel que celle-ci joue dans le maintien de la paix et de la stabilité dans le sud du Liban et dans la région. À ce titre, l’UE souligne combien il est important que la FINUL soit en mesure de remplir intégralement sa mission. Elle insiste également sur le fait que toutes les parties doivent respecter et mettre en œuvre intégralement les résolutions 1559 et 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, y compris l'appel au désarmement de tous les groupes armés au Liban.

En matière de lutte contre le terrorisme, l’Union européenne demeure résolue à aider ses partenaires dans la région et à travailler en étroite collaboration avec eux. Outre la présence de Daech, la réapparition d’Al-Qaida dans la région continue de fournir un terreau fertile pour l’extrémisme violent et la radicalisation conduisant au terrorisme, à l’instar d'autres organisations terroristes faisant l'objet de sanctions de l’UE, notamment le Hamas et le Jihad islamique palestinien.

Les dialogues sur la lutte contre le terrorisme que nous menons régulièrement avec nos partenaires régionaux, parmi lesquels Israël, l’Égypte et la Jordanie, fournissent le cadre nécessaire pour intensifier les efforts conjoints déployés en vue de réduire la propagande terroriste sur internet, de couper les sources de financement du terrorisme et de veiller à ce que les responsables d'atrocités terroristes constituant des violations graves des droits de l’homme et du droit humanitaire international, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité rendent dûment compte de leurs actes. Nous nous réjouissons que la coalition internationale de lutte contre Daech poursuive ces objectifs.

Le manque de confiance et la nécessité de créer des conditions propices à la paix au sein de la population constituent un autre défi majeur à relever pour instaurer la paix et la stabilité au Moyen-Orient. La consolidation de la démocratie, l’état de droit, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont essentiels pour instaurer un climat de confiance entre les différents groupes d'une société ainsi qu’entre un gouvernement et ses citoyens. Il est important de combattre toute forme d’incitation à la haine et à la violence, notamment en encourageant la tolérance mutuelle et la coexistence pacifique grâce au système éducatif.

Monsieur le Président,

Il ressort de cette analyse que les conflits au Moyen-Orient ne peuvent être durablement résolus que par la coopération multilatérale, c’est-à-dire au moyen de politiques et d'actions coordonnées par la communauté internationale, retranscrites, pour certaines, en droit international, en d’autres termes au moyen d'un ordre international fondé sur des règles, en faveur duquel les parties sur le terrain et les acteurs internationaux s’engagent. Et j’insiste sur le fait que le droit international comprend le droit international humanitaire et le droit en matière de droits de l’homme. Il y a quelques jours à peine, nous avons célébré le 70e anniversaire des conventions de Genève. Le soutien accordé par l’UE au droit international est l’un des principaux piliers de la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union.

Notre politique est claire et est favorable à la mise en œuvre intégrale du droit international humanitaire, à tout moment et en tout lieu, tant en Syrie et au Yémen que dans le territoire palestinien occupé. Notre détermination à lutter contre le terrorisme et notre collaboration avec nos partenaires sur le terrain afin d’instaurer un climat de confiance illustrent bien notre attachement à une approche multilatérale. De nombreuses actions ont été convenues d'un commun accord, à un niveau tant international que multilatéral; j’ai d'ailleurs cité plusieurs d’entre elles. La plupart sont menées sous l’égide des Nations unies. Pour sa part, l’UE continuera à soutenir la paix et la sécurité au Moyen-Orient, y compris par l’intermédiaire des Nations unies.

Le défaut de mise en œuvre des politiques adoptées et d’application du droit international est le principal obstacle à l'instauration de la paix et de la sécurité au Moyen-Orient. Il est presque dans l’air du temps de ne pas s'accorder sur une ligne de conduite et d'ignorer les accords conclus. Souvent, des intérêts particuliers l’emportent sur la nécessité d’un compromis au niveau international et sur les bénéfices mutuels. C’est pourquoi la communauté internationale doit chercher des moyens de rendre applicables les politiques adoptées et de garantir le plein respect du droit international.

Je vous remercie.