Déclaration au nom de l'UE – Débat du Conseil de Sécurité: la situation en Haïti (MINUJUSTH)

15.10.2019
New York

15 octobre 2019, New York - Déclaration au nom de l'Union européenne et de ses Etats membres prononcée par S.E. M. Silvio Gonzato, Chef adjoint de délégation, Délégation de l'Union européenne auprès des Nations Unies, débat du Conseil de Sécurité sur la situation en Haïti (UN Mission MINUJUSTH)

Man talking

 

Monsieur le Président,

 

Je vous remercie me donner la parole dans ce débat sur Haïti où l'Union européenne a toujours eu l'honneur de participer.

 

La République de Macédoine du Nord*, le Monténégro*, la Serbie* et l'Albanie*, pays candidats, la Bosnie-Herzégovine, pays du processus de stabilisation et d'association et candidat potentiel, ainsi que l'Ukraine et la République de Moldavie, se rallient à la présente déclaration.

 

Depuis juillet 2018 le pays est entré dans une profonde crise multidimensionnelle: institutionnelle, économique, sociale, financière et sécuritaire.

 

L'Union européenne est inquiète face à la situation générale du pays qui, confronté aux défis majeurs et urgents, reste depuis près de sept mois dans l'attente de la ratification d'un nouveau gouvernement. Pendant que les positions des acteurs politiques se radicalisent, le pays et ses institutions se défaut.

 

Au plan politique, depuis juillet 2018 jusqu'à ce jour, l’opposition et la société civile ont exercé de fortes pressions pour tenter d'obliger le Président Moise à démissionner. D'autres acteurs politiques, de la société civile ou des affaires ont exigé la tenue d'un véritable dialogue national qui malheureusement, après plusieurs tentatives infructueuses, tarde toujours à se mettre en place.

 

Ces dernières semaines ont vu le blocage économique du pays et une forte dégradation de la situation sécuritaire.

 

La récente tentative du président de proposer de «répondre à la violence politique par le dialogue» s'est heurtée au refus des manifestants qui ne font plus confiance à ce gouvernement discrédité. Depuis plusieurs semaines les apparitions publiques du Président se font extrêmement rares. La déclaration du Président le 25 septembre appelant au dialogue et sa proposition pour une sortie de crise n'a donné aucun effet positif.

 

Face aux échecs répétés des tentatives de dialogue engagées par l'exécutif, l'UE a initié depuis le début de l'année des rencontres avec plusieurs parlementaires de l'opposition modérée mais aussi de l'opposition plus radicale. L'objectif était de tenter d'identifier les points de blocages ainsi que les attentes et possibilités d'ouverture que l'opposition serait disposée à offrir pour sortir de l'impasse. L'UE a également participé activement aux réunions du Core Group d'Haïti, accompagnée des Ambassadeurs d'Allemagne, d'Espagne et de France.

 

Comme indiqué dans les "Benchmarks for an Exit Strategy" établis par la MINUJUSTH, une réforme consensuelle et profonde du système électoral représente un élément clé pour éviter de nouvelles crises institutionnelles, mais aussi pour recréer un lien fort entre les élus et les électeurs, et regagner ainsi la confiance de la population.

 

Les élections prévues ce 27 octobre, ont été reportées à une date indéterminée en raison de l’absence persistante de loi électorale, de budget et du climat de tension existant. Sans élections, les mandats d'un tiers du Sénat, de l'ensemble de la Chambre basse et de tous les élus locaux expireront en janvier 2020.

 

L'Union européenne demeure un partenaire fidèle de la République d'Haïti et reste déterminée à soutenir le pays dans cette période de crise profonde, en concertation avec les autres partenaires.

 

Monsieur le Président,

 

L'Union européenne apprécie et appuie le travail réalisé par la MINUJUSTH, en soutien au développement de la Police Nationale, de la Justice, de l'Etat de droit et de la défense et promotion des Droits de l'Homme.

 

Tout Etat de droit qui vise un minimum d'efficacité dans l'application de la loi nécessite un système effectif de maintien de l'ordre public qui soit respectueux des droits de l'Homme. Dans ce contexte, pendant les 15 années de présence onusienne à travers la MINUSTAH, puis la MINUJUSTH, beaucoup d'attention a été dédiée au développement et à la formation d'une force de police nationale (PNH).

 

Si elle constitue aujourd'hui l'une des rares institutions encore stable dans un environnement de crise institutionnelle généralisée, elle demeure largement insuffisante en nombre (15.000 effectifs pour 11 millions d'habitants soit 3 fois moins qu'en Europe), en équipement et en capacité d'intervention. L'incapacité persistante de la Police Nationale Haïtienne et des autorités nationales à contrôler la violence liée aux gangs, avec des accusations de collusion et d'autres dysfonctionnements, est particulièrement préoccupante.

 

Nous considérons donc essentiel de compléter le travail de renforcement et de professionnalisation de la Police nationale haïtienne tout en préservant son autonomie et sa neutralité politique. Il faut dans le même temps continuer à insister sur la réforme et le renforcement de la Justice et du système pénitentiaire, ainsi que sur la consolidation des Droits de l'Homme. L’UE est attentive au suivi juridique donné à l'extrême violence qui a eu lieu à La Saline l’année passée.

 

En conclusion, Monsieur le Président,

 

Laissez-moi réitérer l'appréciation de l'UE concernant la contribution apportée par la MINUJUSTH en termes de sécurité, de prévention des conflits, de consolidation de la démocratie et de l'Etat de droit en Haïti.

 

Le vrai défi réside dans le manque de moyens de la Police Nationale. Il est essentiel que la police et le système judiciaire haïtiens soient préparés et équipés pour assumer à l'avenir toutes les tâches actuellement réalisées par la mission des Nations Unis.

 

Il est important que le bureau intégré (BINUH) dispose du personnel et des ressources nécessaires pour aider le gouvernement à faire face aux multiples problèmes de sécurité, y compris la possibilité de revoir son mandat si la situation continue de s'aggraver.

 

L'UE soutiendra, avec les Nations Unies et la communauté internationale, le pays dans ses efforts visant à assurer un meilleur futur, dans la paix, la démocratie, la stabilité et le bien-être, à l'ensemble du peuple haïtien.

 


* La République de Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie et l'Albanie continuent à participer au processus de stabilisation et d'association.