Assemblée générale des Nations unies: une semaine à New York

25/09/2021 – Blog du HR/VP – Nous venons d'achever une semaine intensive de dialogue diplomatique à New York, dans le cadre de la session annuelle de l'Assemblée générale des Nations unies. Lors des nombreuses réunions bilatérales que j'ai tenues, mes principales priorités ont été les relations entre l'UE et les États-Unis, l'accord sur le nucléaire iranien et l'Afghanistan. Sur chacun de ces dossiers, il est indispensable que l'UE s'exprime clairement.

"La session annuelle de l'Assemblée générale des Nations unies constitue un moment fort du calendrier diplomatique. Nous sommes parvenus à faire entendre la voix de l'Europe dans les affaires internationales et dans le cadre de la mise en place de structures mondiales visant à créer un monde meilleur."

La semaine de l'Assemblée générale des Nations unies constitue le moment fort du calendrier diplomatique. Pendant une semaine, le monde politique et diplomatique se retrouve à New York pour un programme intense de sommets, de réunions ministérielles et bilatérales, d'entretiens avec les médias et bien d'autres événements. C'est une semaine de "speed-dating diplomatique". Pour l'UE, cela a été l'occasion de réaffirmer son soutien aux Nations unies et au multilatéralisme, et d'examiner les questions d'actualité internationale les plus préoccupantes, à savoir l'Afghanistan, le plan d'action global commun (accord sur le nucléaire iranien) et, bien entendu, le différend qui a suivi l'annonce du partenariat AUKUS et l'annulation du contrat franco-australien de sous-marins. Cette semaine a été l'occasion de rencontrer de nombreux homologues et partenaires du monde entier sur une période très courte afin d'aborder ces questions.

 

"La semaine de l'Assemblée générale des Nations unies constitue le moment fort du calendrier diplomatique. Pendant une semaine, le monde politique et diplomatique se retrouve à New York pour un programme intense."

 

Les dirigeants mondiaux ont pris la parole devant l'Assemblée générale pour exposer leur vision de la manière dont il convient de faire avancer le monde, et ils nous ont rappelé que nous nous trouvons à la croisée des chemins à de nombreux égards. Ainsi, le secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, M. Guterres, a déclaré que nous étions "à un moment de vérité" et qu'il était temps "d'agir, de rétablir la confiance et de susciter l'espoir". Il nous a rappelé que la raison d'être même des Nations unies et de la coopération multilatérale était la conviction que nous sommes capables de grandes choses lorsque nous travaillons ensemble. De même, le président américain, Joe Biden, a fait observer que nous nous trouvions à l'aube d'une "décennie décisive pour notre monde" et que la planète était à un "tournant de l'histoire". Il a assuré que les États-Unis étaient déterminés à œuvrer avec leurs partenaires pour négocier collectivement ce tournant, et il a insisté sur l'importance d'agir dans le cadre des institutions multilatérales et de recourir à "une diplomatie implacable" plutôt qu'à la force militaire. S'exprimant au nom de l'Union européenne, le président Michel a lui aussi souligné que "nous fais[i]ons face à un autre moment charnière de l'histoire de l'humanité" et que l'UE continuerait à être le premier sponsor de la paix et du développement durable, également en développant son autonomie stratégique et en étant moins dépendante, en vue de renforcer son influence positive.

L'AUKUS et les relations transatlantiques

Au début de la semaine, toute l'attention était concentrée sur l'accord entre l'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis et ses éventuelles conséquences sur les relations transatlantiques. L'annonce de cet accord avait pris le monde par surprise. Les réactions qui ont suivi n'ont pas seulement porté sur la rupture d'un contrat de sous-marins, mais également sur ses répercussions plus larges sur les relations entre l'UE et les États-Unis et le rôle de l'UE dans la région indo-pacifique. Le manque de concertation et de communication entre les partenaires étroits que nous sommes a créé de véritables difficultés. Cela a donné une image négative d'un Occident ne coordonnant pas son action, voire divisé, alors que nous devrions faire preuve d'une détermination et d'une coordination communes, en particulier en ce qui concerne les défis géostratégiques.

 

"Le manque de concertation et de communication entre les partenaires étroits que nous sommes a créé de véritables difficultés et a donné une image négative d'un Occident ne coordonnant pas son action, voire divisé."

 

Nous avons débattu de la question de l'AUKUS avec les ministres des affaires étrangères de l'UE lundi, et ils ont clairement exprimé leur solidarité avec la France. Nous avons décidé de demander aux États-Unis, à l'Australie et au Royaume-Uni d'expliquer comment et pourquoi ils en étaient venus à prendre cette décision. Nous avons aussi été d'accord pour estimer que les défis liés à la région indo-pacifique appelaient une coopération plus étroite plutôt qu'une fragmentation accrue. La stratégie de l'UE pour la région indo-pacifique, que nous avons dévoilée le jour où l'alliance AUKUS a été annoncée, traite précisément de la manière dont l'UE renforcera son engagement dans la région et à l'égard de celle-ci, notamment en matière de sécurité. Une priorité claire de la stratégie consiste à travailler avec des partenaires disposés à agir et partageant les mêmes valeurs.

Lundi également, j'ai rencontré la ministre australienne des affaires étrangères, Marise Payne, et j'ai insisté sur le fait que nous attendions de partenaires proches qu'ils s'informent mutuellement et se concertent. La ministre et moi-même sommes convenus que l'UE et l'Australie avaient de nombreux intérêts communs dans la région indo-pacifique, pour ce qui est de soutenir la stabilité et la coopération régionales et de maintenir un ordre régional ouvert et fondé sur des règles.

Lors d'un entretien téléphonique qui a eu lieu jeudi entre les présidents Biden et Macron, les États-Unis ont reconnu que le dossier n'avait pas été bien géré et qu'il aurait été bon de mener des consultations préalables. Les États-Unis ont également insisté sur l'importance de coopérer avec l'UE et ses États membres, y compris la France, dans la région indo-pacifique. Un autre élément déterminant a été le soutien clairement exprimé par le président Biden en faveur d'un rôle accru de l'UE dans le domaine de la défense, en complémentarité avec l'OTAN. Il s'agit là d'un message important pour l'avenir des relations entre l'UE et les États-Unis.

Une alliance solide entre les États-Unis et l'UE

Ce message positif a été répété lors de ma rencontre avec le secrétaire d'État américain, M. Blinken. Nous avons réaffirmé l'existence d'une alliance solide entre les États-Unis et l'UE et nous sommes convenus de continuer à travailler à l'élaboration de mesures concrètes pour approfondir notre dialogue et notre coopération. Le problème aurait pu être évité en assurant un dialogue en amont entre partenaires. Nous devons mettre en place un système qui permette d'éviter que des problèmes comme ceux créés par l'AUKUS ne se reproduisent à l'avenir. Un dialogue structuré avec les États-Unis dans le domaine de la sécurité et de la défense, que nous sommes convenus de mettre en place lors du sommet UE-États-Unis tenu plus tôt cette année, pourrait constituer une plateforme idéale à cet effet.

Beaucoup reste à faire pour rétablir la confiance, pour mettre en œuvre résolument notre propre stratégie pour la région indo-pacifique, en collaboration avec les États-Unis et d'autres, et pour veiller à ce que de réels progrès soient accomplis dans l'acquisition des capacités de défense dont nous avons besoin pour assumer une plus grande part de nos responsabilités.

 

"Une UE dotée de capacités militaires et consciente des enjeux stratégiques est dans l'intérêt des États-Unis et de l'OTAN."

 

Cela fait longtemps que je suis convaincu qu'une UE dotée de capacités militaires et consciente des enjeux stratégiques est dans l'intérêt des États-Unis et de l'OTAN. Tout particulièrement dans le voisinage de l'UE, il y a et il y aura des situations où les États-Unis et l'OTAN ne souhaitent pas s'engager et où l'Europe doit être en mesure d'agir seule. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous œuvrons à l'élaboration de la boussole stratégique, afin de définir nos ambitions communes. Nous devons entreprendre des actions concrètes en matière de capacités et faire preuve d'une volonté accrue de les utiliser, lorsque cela est nécessaire.

L'Iran et l'accord sur le nucléaire

Récemment, nous avons également observé différentes évolutions majeures en ce qui concerne l'Iran et l'accord sur le nucléaire: les élections iraniennes et un accord entre l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et l'Iran sur les mesures de vérification, notamment l'utilisation des caméras dans les installations nucléaires iraniennes. Cet accord a permis d'éviter de justesse des réprimandes formelles du Conseil des gouverneurs de l'AIEA à la suite des inquiétudes croissantes exprimées concernant l'extension des activités d'enrichissement iraniennes et de l'impasse dans laquelle se trouvaient les négociations à Vienne ces dernières semaines. Dans ce contexte, j'espérais, en tant que coordinateur de l'accord sur le nucléaire iranien (également appelé "plan d'action global commun"), pouvoir convoquer une réunion ministérielle, comme lors de précédentes semaines de l'Assemblée générale des Nations unies. Il n'a pas été possible d'organiser une réunion ministérielle plénière, mais j'ai tenu une longue réunion bilatérale avec le nouveau ministre iranien des affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, qui a également rencontré de nombreux autres homologues pour examiner la manière d'aller de l'avant.

Le principal résultat de cette rencontre a été la confirmation par le ministre du retour de l'Iran à la table des négociations à Vienne. Le nouveau ministre des affaires étrangères est en fonction depuis moins d'un mois, mais nous devons reprendre rapidement les négociations et relancer l'accord sur le nucléaire iranien dans tous ses aspects, ce qui signifierait le retour des États-Unis au plan d'action global commun et la levée des sanctions en échange d'un respect intégral du plan par l'Iran. L'ordre de ces étapes est la question centrale. L'Iran est confronté à des difficultés, les États-Unis manifestent clairement une impatience grandissante et le contexte régional plus large, notamment la prise de contrôle par les talibans en Afghanistan, est source de turbulences. Nous ne devrons donc pas ménager nos efforts au cours des semaines à venir pour réduire les divergences et parvenir à des résultats.

La voie à suivre concernant l'Afghanistan

L'Afghanistan constituait pour moi la troisième priorité de cette semaine. Les talibans étant désormais aux commandes et l'économie en chute libre, une crise humanitaire grave se profile. Il existe un large consensus international sur la nécessité de juger les talibans sur leurs actes et de ne pas laisser le pays s'effondrer complètement, ce qui serait dangereux pour la région tout entière ainsi que pour la sécurité internationale en général.

J'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs acteurs régionaux et partenaires internationaux, tels que le secrétaire d'État M. Blinken et les ministres pakistanais, turc et russe des affaires étrangères, et de discuter avec eux de la voie à suivre. Il est très clairement ressorti de ces discussions que nous devons coopérer étroitement, en tant que communauté internationale, pour faire face à la situation sur le terrain. Nous devons nous pencher collectivement sur la situation économique dans le pays, ainsi que sur la situation humanitaire et en matière de droits de l'homme, et œuvrer à des intérêts communs tels que la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée, le trafic de drogue et la traite des êtres humains, ainsi qu'à une approche équilibrée en matière de migration.

 

"Les talibans étant désormais aux commandes et l'économie en chute libre, une crise humanitaire grave se profile."

 

En ce qui concerne toutes ces questions, nous avons effectivement besoin d'une approche régionale, et nous travaillerons à un format régional, assurant la pleine adhésion des pays voisins. Nous nous efforcerons d'étoffer les critères examinés avec les ministres des affaires étrangères de l'UE lors de la réunion informelle "Gymnich", notamment concernant les droits des femmes et l'éducation des filles, l'objectif étant d'élaborer un programme de soutien international. Sur tous ces points, il est important d'éviter une multiplication des initiatives, qui pourrait aussi créer davantage de confusion, et je poursuivrai mes travaux à cette fin.

Le Mali et le groupe Wagner

Enfin, la situation au Mali et le déploiement éventuel d'une société de sécurité privée, le groupe Wagner, était une question que je devais soulever avec le ministre russe des affaires étrangères et examiner avec mon homologue malien. Ce déploiement aurait une incidence négative sur la stabilité du pays et aurait donc des conséquences sur la coopération entre l'Union européenne et le gouvernement de transition au Mali.

Il s'agissait de ma première rencontre avec le ministre des affaires étrangères, M. Lavrov, depuis que nous nous étions entretenus à Moscou, en février dernier. Je lui ai de nouveau adressé un message clair cette semaine: oui, il existe des différences fondamentales entre la Russie et l'Union européenne. Mais il existe également des questions sur lesquelles nous devons travailler de concert, dans l'intérêt de la sécurité et de la stabilité mondiales, à commencer par l'Afghanistan.

Enfin, j'ai tenu de nombreuses autres réunions au cours de cette semaine intense: un dîner avec les dirigeants des Balkans occidentaux, des réunions avec le Conseil de coopération du Golfe (je me rends également dans la région la semaine prochaine) ainsi que des rencontres avec les ministres des affaires étrangères de la Turquie, de l'Azerbaïdjan, de l'Arménie, du Pérou, du Chili, avec le président de l'Équateur et avec des dirigeants africains, pour n'en citer de quelques-unes. En outre, nous avons signé un protocole d'accord avec la Colombie, qui permettra à notre coopération de franchir une nouvelle étape, et nous avons tenu plusieurs autres réunions sur l'Amérique latine.

 

"Je quitte New York avec le sentiment que nous sommes parvenus à faire entendre la voix de l'Europe dans les affaires internationales et dans le cadre de la mise en place de structures mondiales."

 

D'une manière générale, je quitte New York avec le sentiment que, avec les deux présidents de l'UE, nous sommes parvenus à faire entendre la voix de l'Europe dans les affaires internationales et dans le cadre de la mise en place de structures mondiales visant à créer un monde meilleur, une Europe qui défend résolument le multilatéralisme et coopère avec ses alliés et ses partenaires. En ce qui concerne l'Iran, l'Afghanistan, la Libye et de nombreuses autres questions, il existe toujours une forte demande pour que l'Europe se fasse entendre et utilise les instruments et les leviers dont elle dispose pour appuyer ses positions, et cela reste une nécessité impérieuse. À cet égard, il était important que nous surmontions le différend entre l'UE et nos alliés sur l'AUKUS. D'intenses efforts doivent désormais être déployés pour traduire les promesses issues des consultations en résultats concrets, dans la région indo-pacifique et ailleurs, et pour relever les défis mondiaux et contribuer à façonner le monde conformément à nos intérêts et à nos valeurs.

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